Deuxième dimanche de Pâques : une plongée pascale dans les entrailles de la miséricorde du Père
Par Gilles Drouin, Curé d’Étampes, délégué PLS du diocèse d’Évry-Corbeil-Essonne
Deuxième dimanche de Pâques, dimanche in albis, dimanche de Thomas, dimanche de Quasimodo et maintenant dimanche de la Divine Miséricorde. A première vue de quoi se perdre dans la signification du dimanche très particulier qui suit la fête de Pâques. Juxtaposition ou déploiement liturgique ?
Un ancrage historique
La fête liturgique de la Divine Miséricorde a été instituée par Jean Paul II dans la foulée du grand Jubilé du troisième millénaire suite à la canonisation de sainte Faustine Kowalska et avant la consécration, par le pape polonais, du monde à la miséricorde du Père. Elle s’inscrit comme un contrepoids aux totalitarismes communiste et nazi. Dans Mémoire et Identité, Jean-Paul II écrit que « L’unique vérité capable de contrebalancer le mal de ces idéologies est le fait que Dieu est Miséricorde.
Un ancrage théologique
Mais cet ancrage historique commun à de nombreuses autres fêtes liturgiques, qu’on songe par exemple à la fête de Notre-Dame du Rosaire liée à la victoire de Lépante, ne saurait occulter l’ancrage théologique spécifiquement pascal de la fête de la Miséricorde dans la pensée de Saint Jean-Paul II. Dès l’Encyclique Dives in misericordia de 1980, il développait, dans le chapitre IV, que la révélation et la mise en œuvre de la miséricorde du Père était au cœur de sa compréhension du mystère pascal (n° 7), clef qui permet d’unifier la lecture des différentes harmoniques du second dimanche de Pâques.
Le Dimanche de Thomas, révélation de la Miséricorde
L’évangile de Thomas (Jn 20, 19-31)
Le lectionnaire réformé en 1969 a conservé pour les trois années, l’usage de proclamer en ce dimanche, l’évangile de l’apparition « huit jours plus tard » de Jésus ressuscité à Thomas, L’antienne de communion reprend ce texte en insistant sur l’invitation faite par Jésus à Thomas : « Avance ta main, touche du doigt l’endroit des clous, ne sois pas incrédule, sois croyant. Alléluia ! » Il est intéressant de noter le réalisme avec lequel Caravage a représenté cette scène où l’apôtre découvre les « entrailles de miséricorde » (cf article CDAS).
Le geste de l’apôtre est à mettre en corrélation avec celui du coup de lance également rapporté par Jean. Le rapprochement entre ces deux passages permet d’opérer un autre lien entre la fête de la Miséricorde et celle du Sacré-Cœur dont les thématiques sont proches par leur dimension pascale.
La demande faite à sœur Faustine
La manière dont sainte Faustine dans son journal exprime la demande de Jésus concernant l’institution de la fête de la Divine Miséricorde, souligne le jaillissement pascal de la miséricorde divine :
« Ma fille, parle au monde entier de mon inconcevable Miséricorde. Je désire que la Fête de la Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les entrailles de ma Miséricorde sont ouvertes, je déverse tout un océan de grâces sur les âmes qui s’approcheront de la source de ma miséricorde ; toute âme qui se confessera et communiera, recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur peine ; en ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoulent les grâces ; qu’aucune âme n’ait peur de s’approcher de moi, même si ses péchés sont comme l’écarlate. […] La Fête de la Miséricorde est issue de mes entrailles, je désire qu’elle soit fêtée solennellement le premier dimanche après Pâques. Le genre humain ne trouvera pas la paix tant qu’il ne se tournera pas vers la source de ma Miséricorde. » (Petit Journal, § 699).
Dimanche in albis, participation sacramentelle à la Miséricorde
L’antienne Quasimodo
Le second dimanche de Pâques, qui clôture l’Octave de Pâques est également celui où, dans la tradition ancienne, les néophytes, baptisés, confirmés et qui avaient reçu l’eucharistie la nuit de Pâques, quittaient le vêtement blanc. Ils faisaient alors partie intégrante de la communauté des baptisés. Une des deux antiennes d’ouverture, l’antique antienne Quasimodo, s’en fait l’écho : « Comme des enfants nouveaux nés ont soif du lait qui les nourrit, soyez avides du lait pur de la Parole, afin qu’il vous fasse grandir pour le salut ».
L’oraison du dimanche
C’est en leur faveur mais plus largement pour tous les fidèles, que l’oraison du dimanche demande au Père, invoqué sous le vocable assez rare de « Dieu de miséricorde infinie », d’augmenter sa grâce afin qu’(ils) « comprennent toujours mieux, quel baptême (les) a purifiés, quel Esprit (les) a fait renaître et quel sang (les) a rachetés. »
Un prolongement dans les sacrements
Dans le formulaire de Pâques, l’accent est successivement mis sur les dimensions mystériques, sacramentelles de la Pâque lors de la Vigile puis sur la mémoire de la rencontre matutinale du Ressuscité le jour de Pâques. De la même manière, l’antienne d’ouverture et l’oraison de ce dimanche rappellent que, dans la vie chrétienne « ordinaire », l’expérience de révélation de la miséricorde qui a été celle de Thomas au matin du huitième jour passe pour nous maintenant, par les sacrements.
Pour paraphraser saint Léon (Ve siècle), ce qui était visible chez notre Rédempteur, ici la miséricorde du Père, est désormais passé dans les sacrements au premier rang desquels ceux de l’initiation que viennent de vivre les néophytes, mais aussi celui de la pénitence et de la réconciliation qui ne peut se comprendre sans son lien avec le baptême.
Bibliographie :
- Jean-Paul II, Mémoire et Identité, Paris, Flammarion, 2005.
- Petit Journal de sœur Faustine, Marquain (Belgique), Hovine, 1985.
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