Mise en œuvre de la liturgie de la Parole

30 Mars 2013 : Lecture de l'Evangile par Pierre-Marie BROCHERY, séminariste et diacre, lors de la première vigile pascale dans la nouvelle église Saint-Thomas. Vaulx-en-Velin (69), France. March 30th, 2013 : First Easter vigl presided by Fr Régis CHARRE in the new chuch of St Thomas. Vaulx-en-Velin(69), France.

Lecture de l’Evangile par un diacre et séminariste

Dans la liturgie de la Parole1, les paroles sont bien sûr essentielles. C’est la parole de Dieu transmise dans les lectures ; ce sont les paroles de l’assemblées qui répondent à la parole de Dieu dans un admirable dialogue ; ce sont les paroles qui prolongent la Parole, comme l’homélie. Mais comme dans les autres parties de la célébration, le chant tient une place appréciable dans la liturgie de la Parole.

Le chant tient une place appréciable d’abord parce que l’Église sait que la mémoire des mots de la foi s’imprime dans le cœur des personnes par le chant. Ensuite parce que, lorsque le Verbe se fait chair, il ne s’adresse pas seulement à l’intellect des personnes (on n’écoute pas des idées), mais à toutes leurs facultés car on rencontre la personne du Seigneur. Le chant qui sollicite la mémoire et les émotions permet à la Parole de trouver des résonances en chacun ; le chant qui fait que le groupe s’entend et s’appréhende comme groupe est un outil formidable pour la constitution du corps que la Parole vient animer ; le chant qui, pour dire les réalités spirituelles, sollicite le corps de chacun (posture, souffle, appuis abdominaux, langage des yeux) répond comme par un mimétisme au Verbe qui a utilisé notre chair pour dire la réalité la plus spirituelle.

La préparation à l’écoute

En général, la liturgie de la Parole débute sans ouverture particulière : le lecteur va à l’ambon après que l’assemblée a ratifié l’oraison par un Amen sonore et qu’elle s’est assise. Il peut se trouver des cas où – comme dans les liturgies orientales – le lecteur apporte le lectionnaire. Cette « entrée du Livre » peut être accompagnée d’un chant de l’assemblée tel que Gloire au Christ Parole éternelle (A 7), ou Seigneur que ta Parole (A 51), ou Voix des prophètes (U 7). La durée du chant est alors celle de la procession.

La lecture

La lecture commence avec le lecteur qui s’avance jusqu’au lieu de la Parole : l’ambon. Sa démarche, son attitude disent déjà l’importance de ce qui va se passer. Lorsqu’il est à l’ambon, il prend d’abord conscience de sa position, bien ferme et stable sur les jambes, et du lieu dans lequel il se tient : le lieu de la parole de Dieu. Cela demande qu’il prenne une distance suffisante avec le pupitre et avec le livre (ceux-ci ne lui appartiennent pas !) : il est là pour transmettre la Parole d’un autre. Après avoir pris contact avec l’assemblée, dans un regard circulaire discret, et s’être assuré que tous sont prêts à écouter, le lecteur commence : « Lecture du livre de l’Exode. » Cette annonce dit bien à toute l’assemblée d’où vient cette Parole. La lecture peut alors commencer, calme, posée, prononcée avec une bonne diction et un ton, ni théâtral ni monotone. La proclamation de la parole de Dieu : ça se travaille (nombre de diocèses organisent des formations) et ça se prépare avant (compréhension, méditation et diction) ! Une fois la lecture terminée, le lecteur s’assure de nouveau, par un regard circulaire discret, que l’assemblée a entendu cette Parole, et après un court temps d’attente, il regagne sa place dignement et calmement. Là encore, son attitude peut souligner l’importance de l’acte effectué, comme elle peut l’annihiler si elle est désinvolte ou même seulement pressée.

Pour apprendre à proclamer la parole de Dieu et préparer la lecture, un outil de formation liturgique, biblique et pratique : Proclamer la Parole, de Claude Duchesneau, Guides Célébrer n°1, éd. du Cerf, 1999.

Le Psaume

Issu de la Bible, il est parole de Dieu à son peuple, mais à la célébration, il devient parole du peuple qui répond à son Dieu ; le psaume se fait chair dans la bouche des fidèles et transforme le peuple en corps qui dit la Parole. Choisi en fonction de la première lecture, il change chaque dimanche, au gré de l’écho très incarné que le Verbe provoque dans le cœur du prophète ou du peuple. On ne manque pas d’antiennes à confier à l’assemblée, ni de psalmodies pour que le psalmiste cantille les versets (psalmodie à refrain) ; on s’efforce parfois de confier à l’assemblée elle-même la cantillation du psaume (psalmodie collective). Certaines assemblées se réjouissent de disposer de formules parlées : Les Psautiers Église qui chante, documents 18 (année A), 19 (année B), 21 (année C), font des propositions très variées. Quelle que soit la forme, on évite que le psaume soit une lecture supplémentaire ; d’une part parce qu’il s’agit d’une parole du peuple à Dieu – ce qui impose que le psalmiste ne soit pas le lecteur -, d’autre part parce qu’il faut mettre en branle les émotions, la conscience du groupe, la mémoire… Il faut donc un procédé lyrique : et pour cela, le chant est idéal.

Pour apprendre, comprendre et perfectionner l’art de chanter les psaumes : Traité de psalmodie, Joseph Gelineau, Église qui chante, document 22, éd. ASA.

L’acclamation de l’Évangile

Le peuple se met à acclamer quand il voit s’approcher celui qui va proclamer l’évangile : sans ce signe avant-coureur, le peuple n’a pas de motif d’acclamer. Il s’agit d’un cri Alléluia ou « Gloire à toi, Seigneur » … et non pas d’un texte chanté par tous. L’Église est tellement sûre qu’il faille dire la joie d’entendre l’évangile par ce chant qu’elle précise : « Si on ne chante pas l’alléluia ou le verset avant l’Évangile, on peut les omettre » (Présentation générale du Missel romain, n° 39). La manière de l’entonner (la registration de l’orgue ou le tempo du chantre) a une grande influence sur le caractère acclamatoire. L’Église propose un verset : on diminuerait beaucoup le lyrisme introduit par l’alléluia chanté si on énonçait ce verset sans le chanter ; il est simple de prendre appui sur quelques notes de l’alléluia pour porter ce verset.

Lorsque c’est le diacre qui proclame l’Évangile, il vient d’abord demander la bénédiction de celui qui préside. Lorsqu’on dispose d’un évangéliaire (livre contenant seulement les Évangiles), celui-ci a été posé sur l’autel lors de la procession d’entrée dans la célébration. Le diacre, ou le prêtre, vient alors le chercher pour se rendre à l’ambon, tandis que monte l’acclamation Alléluia. Lorsqu’on utilise l’encens dans la célébration, celui qui proclame l’Évangile, encense le livre après le dialogue initial et l’annonce de l’Évangile puis remet l’encensoir à un acolyte avant de poursuivre.

L’Évangile

La cantillation de l’Évangile n’est pas à la portée de tous et ne convient pas à tous les textes ; sa justification tient au fait qu’une voix « banale » ne suggère pas l’origine divine de la Parole.
À la fin de l’Évangile, le peuple ne se contente pas d’un cri de joie, d’une simple acclamation, mais déclare que la parole de Dieu c’est le Seigneur Jésus : « acclamons la parole de Dieu : louange à toi Seigneur Jésus. » La force de ce dialogue suffit à justifier le fait qu’on ne le remplace pas par la reprise d’un Alléluia.

L’homélie

L’homélie vise à favoriser l’incarnation de la Parole : « dans notre vie, voilà ce que ça peut vouloir dire ! » Il existe des hymnes ou des cantiques nés de la méditation d’un texte biblique et qui peuvent contribuer à son « incarnation » ; ainsi une homélie sur la parabole du fils prodigue peut s’achever par le chant Point de prodigue sans pardon (G 183), à moins que les strophes n’aient été distribuées au long de l’homélie. De ce fait, l’assemblée manifeste que la Parole a trouvé en elle un écho

La profession de foi

En France, on a pu éprouver que les assemblées prenaient corps en chantant le Credo III. Traduit en français, ce Credo dit de Nicée-Constantinople n’est pas un texte facile à mettre en musique ; le symbole des apôtres le serait davantage ; proche de ce symbole, la profession de foi baptismale est portée par une musique tonique qui demande d’être chantée de façon alerte (voir, par exemple, Missel noté de l’assemblée, n° 23-31). Le plus souvent le Credo sera dit ensemble, dans l’une de ces trois formes (la forme habituelle étant celui de Nicée-Constantinople) ; certains chantent parfois un refrain, mais il faut veiller à ne pas rompre l’unité du texte proclamé, et à ne pas redoubler la forme utilisée pour la prière universelle (alternance texte – refrain).

La prière universelle

Puisque nous sommes chair, tous nos gestes ont à voir avec ce qui est sonore. Il se trouve des prières universelles qui n’invitent pas à prier par manque d’attention au phénomène sonore. À la voix de la personne qui dit les intentions et à la rapidité de son débit, on devine si elle veut conduire les fidèles à prier ou si elle exécute son rôle sans s’y investir. Le silence qui s’intercale entre la fin de l’intention et l’invitation « prions » est parfois plein de prière mais peut être aussi plein de vide ; cela s’entend et a de l’influence sur la prière. Le refrain est parfois chanté ; dans ce cas, après l’intonation du chantre faite la première fois, la note de l’organiste suffit à le lancer. Le refrain peut être fait d’une expression parlée, ou encore en silence, ou encore par la ponctuation de quelques notes de musique. Il arrive que les intentions elles-mêmes soient cantillées (cf. la fiche B 19, bâtie sur la prière universelle du Pape Gélase, dont nous avons une traduction récente dans Prière du Temps présent, le jeudi IV matin et soir) ; ceci ne peut qu’être exceptionnel.

L’oraison se conclut par un Amen : l’assemblée dit son adhésion à tout ce qui a été fait pendant la liturgie de la Parole ; cet amen sera d’autant plus massif qu’il aura été suscité par le célébrant qui aura chanté « Par Jésus le Christ notre Seigneur. »

Pour mieux rédiger une prière universelle, la préparer et la mettre en œuvre, un dossier de Célébrer : La prière universelle, Célébrer n° 281, éd. du Cerf, juin 1998.

Article extrait de la revue Célébrer numéro 294, février 2000, La mise en œuvre de la liturgie de la parole, p 17-20.

 

Louis GroslambertPrêtre, alors responsable de la PLS et de la musique liturgique du diocèse de Belfort-Montbéliard

[1] Pour la mise en œuvre de la liturgie de la Parole, voir dans la revue Célébrer, la rubrique régulière L’Art de célébrer, les n° 27 (Célébrer n° 283), 28 (célébrer n° 284) et 29 (Célébrer n° 285). Voir aussi, Du bon usage de la liturgie, Guides Célébrer n° 4, 1999, p. 41, 43, 45, 47, 49.

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