Les ordinations presbytérales, célébrations de l’Église diocésaine

27 juin 2015 : Ordination sacerdotale en la Cathédrale Notre Dame de Paris (75).

27 juin 2015 : Ordination sacerdotale en la Cathédrale Notre Dame de Paris (75).

Par Olivier de Cagny, Enseignant à l’Ecole cathédrale et curé de la paroisse Saint Louis-en-l’Île à Paris

 

Dernier week-end du mois de juin. Les examens des étudiants vont s’achever, les scouts sont occupés par les derniers préparatifs de leurs camps, les vacances des uns et des autres approchent. Le samedi matin à 9h30, la cathédrale Notre-Dame de Paris accueille comme chaque année la célébration des ordinations presbytérales : même lieu, même date et même heure depuis au moins quarante ans.

Ce dernier détail est peut-être la première chose à noter pour comprendre le succès populaire de ce rendez-vous diocésain : un repère fixe dans le temps.

En effet, chaque année, ce sont entre 2000 et 5000 personnes qui se rendent à cette célébration diocésaine, au cours de laquelle dix prêtres par an en moyenne, depuis trente ans, ont été ordonnés.

Mais la réussite de cette liturgie tient aussi à de nombreux ingrédients, tant avant que pendant et après la célébration. Ils permettent de comprendre pourquoi ces ordinations stimulent la vie de tout le diocèse.

Avant la célébration, la communication

La communication en amont est capitale : elle concerne à la fois la qualité de l’information et la mise en route des personnes. Pour diffuser l’invitation, des cartes sont distribuées aux ordinands : environ dix ou quinze pour les plus proches, qui seront assis dans les premiers rangs, et entre quarante et cinquante pour d’autres invités qui pourront s’asseoir dans la cathédrale.

Celle-ci pouvant contenir environ 2000 personnes, un tiers de la capacité est déjà rempli par les personnes invitées personnellement par les ordinands, ainsi que par les personnes travaillant pour l’évêché et quelques « officiels ». Mais les places restantes sont offertes à qui les désire. Il suffit d’arriver à la cathédrale suffisamment tôt le jour des ordinations. L’idée d’exiger un carton d’invitation pour les quelque 1200 places disponibles a été abandonnée il y a quelques années. Les medias diocésains sont bien sur mis à contribution pour annoncer l’événement. Paris Notre-Dame et Radio Notre-Dame, KTO et le site Internet du diocèse communiquent toutes les informations nécessaires quelques semaines avant, en proposant des témoignages d’ordinands, de prêtres, mais aussi d’autres personnes qui disent pourquoi elles aiment participer aux ordinations.

Implication de nombreux acteurs

Il ne suffit pas d’inviter les fidèles à venir le jour même. Dès 4 heures du matin, des milliers de chaises sont installées sur le parvis de la cathédrale. La veille déjà, le son et l’image ont été mis en route. Mais surtout, les jeunes ont été invités à une ou plusieurs veillées de prière pour les ordinands, via le service diocésain des vocations. Certains auront passé la nuit à Saint-Séverin, paroisse voisine de la cathédrale, devant le Saint-Sacrement, et dans leurs sacs de couchage !

Å l’office des laudes qui précède le petit déjeuner, un prêtre ordonné l’année précédente vient témoigner de la manière dont il a vécu sa propre ordination, Les jeunes sont ainsi préparés à participer activement et avec ferveur à la célébration à laquelle ils se rendent ensemble et où des places leur sont réservées à proximité du chœur. Des pères de famille, quant à eux, ont organisé une marche vers Notre-Dame de Paris, en se levant très tôt, symbolisant toutes les familles du diocèse en marche vers leur cathédrale pour y recevoir les prêtres que Dieu leur donne.

Beaucoup de fidèles du diocèse sont contactés pour rendre un service précis.

D’année en année, la force de l’habitude a produit ses fruits. Il est devenu facile de pouvoir compter sur des scouts pour faire le service de l’accueil, sur des guides pour s’occuper des jeunes enfants, sur des laïcs plus âgés pour préparer un bon petit déjeuner, sur une bonne centaine de choristes du « chœur diocésain » constitué au cours de l’année pour participer aux grands événements de la vie du diocèse (messe chrismale, grands rassemblements de type synodal, messe d’ordinations…) et sur des entreprises pour installer les chaises sur le parvis. KTO se charge du son et de l’image, une petite équipe du service de communication, qui s’est adjoint trois ou quatre séminaristes, accueille les journalistes, Les solistes et le chœur professionnel « Musique sacrée à Notre-Dame » sont au cœur du dispositif musical, et bien sûr tous les employés de la cathédrale sont sur le pont !

Ouverture de l’espace liturgique sur le parvis de la cathédrale et espaces « dédiés »

Une des particularités de cette célébration est d’ouvrir l’espace liturgique sur le parvis de la cathédrale. Celui-ci pouvant contenir plus de 3000 chaises, tous pourront trouver une place assise. Pour que personne ne s’y sente seulement spectateur d’une action éloignée, le choix a été fait de commencer la célébration à l’extérieur de la cathédrale, jusqu’à l’homélie comprise. La procession d’entrée part du presbytère situé à côté de la cathédrale et va jusqu’au fond du parvis. Au passage dans l’allée centrale, les ordinands rejoignent, de part et d’autre, la « délégation » de huit personnes choisies par eux, dont un prêtre « parrain » qui leur remettra leur chasuble après la prière consécratoire. Cette délégation symbolise l’Église qui a enfanté ceux qui s’apprêtent à devenir ses ministres par le sacrement de l’ordination sacerdotale.

Pendant la célébration, la communion de tous les fidèles à tous les lieux de l’action liturgique

L’objectif principal est la communion dans la prière pour accueillir la grâce du sacerdoce ministériel donnée à l’Eglise.

L’appel des ordinands a lieu sur le parvis. Un grand écran est situé à l’extérieur, et une vingtaine de petits écrans sont répartis à l’intérieur de la cathédrale, de sorte que tous les fidèles puissent voir l’ensemble de la célébration. Dès que l’évêque est arrivé à l’autel et a salué l’assemblée, chaque futur prêtre répond : « Me voici » à l’appel de son nom par le supérieur du séminaire, puis s’avance avec sa délégation pour prendre place en ligne devant la façade de la cathédrale, tandis qu’on chante une acclamation. De part et d’autre des ordinands alignés au pied de la façade, devant le porche central, sont assis, face à face, les quelque quatre cents prêtres présents.

Après que l’évêque a proclamé : « Nous les choisissons pour l’ordre des prêtres », le chant du Gloire à Dieu est entonné par le double chœur diocésain (une partie des chanteurs sur le parvis, l’autre partie dans le chœur). Les ordinands rejoignent alors leur place au premier rang des prêtres. Il est ainsi visible qu’ils s’apprêtent à entrer dans le presbyterium.

La liturgie de la Parole se situe entièrement sur le parvis. Un ambon décoré d’un voile couleur cuivre a été aménagé à environ deux mètres de hauteur. Au chant de l’Alléluia, amplement développé, l’évêque se rend donc à l’extérieur, tel l’Apôtre sur l’Aréopage, pour écouter l’Évangile chanté par le diacre et le commenter dans l’homélie.

Après l’homélie, les ordinands et leurs parrains d’ordination emboitent le pas à l’évêque pour le dialogue rituel avec lui. En demi-cercle dans le narthex intérieur, sous les grandes orgues, les futurs prêtres disent leur volonté d’assumer la charge sacerdotale et promettent obéissance à l’évêque et à ses successeurs.

De nouveau, ils suivent l’évêque pour aller jusqu’aux marches du chœur, pendant qu’on chante le Veni Creator. Les familles et les proches sont ainsi tout près de l’action au moment où l’on entre dans le rite essentiel de l’ordination : après le chant des litanies, l’évêque impose les mains en silence sur chaque futur prêtre, suivi par les autres évêques et tous les prêtres, conduits en procession depuis le parvis par des diacres permanents.

L’imposition des mains dure longtemps, puisqu’environ dix prêtres passent en une minute. S’ils sont quatre cents, l’imposition des mains durera quarante minutes. Même si le Rituel recommande que ce geste soit accompli en silence, on a choisi de chanter quelques chants après que le bourdon de la cathédrale, pendant trois ou quatre minutes, a fait entendre sa voix solennelle.

Sur les écrans ont été diffusés en 2010, en alternance avec les chants, des interviews des ordinands. L’expérience pourrait être renouvelée, même s’il est toujours délicat de rompre la célébration par des apports visuels externes.

Pendant ce geste, les jeunes enfants, jusque-là placés dans les premiers rangs de la nef ou du parvis, sont emmenés par des guides et d’autres jeunes filles dans des locaux voisins de la cathédrale pour une pause détente et quelques explications. Ils reviennent pour voir la fin de l’imposition des mains et surtout participer à la suite de la célébration : la prière d’ordination, les rites complémentaires et la liturgie eucharistique.

Cette liturgie de l’eucharistie a lieu entièrement dans la cathédrale, mais on continue de penser l’intérieur et le parvis comme un unique espace liturgique. Une centaine de diacres et de prêtres, accompagnés chacun d’un acolyte venant des groupes de servants d’autel du diocèse, se répartit à l’intérieur et à l’extérieur de la cathédrale pour distribuer la communion. Le diocèse, c’est le peuple de Dieu à la fois rassemblé dans l’église et vivant sa vie baptismale dans les espaces urbains.

Comme on le voit, la célébration s’est donc déroulée en plusieurs lieux dédiés spécialement à telle ou telle action. De nombreux fidèles ont été impliqués dans le bon déroulement : servants, délégations de laïcs, chanteurs, scouts associés aux séminaristes. Cette ampleur du dispositif, à la fois géographique et spirituel, aide le peuple chrétien du diocèse à prendre conscience de sa dignité, de sa beauté.

Après la célébration, la vie de la communauté diocésaine

À la fin des ordinations, quelques gestes significatifs permettent de prolonger la joie d’accueillir les nouveaux prêtres.

À la sortie, les membres de la Maison Saint-Augustin, lieu de fondation spirituelle préparatoire à l’entrée au séminaire, distribuent des images souvenir et montrent le chemin du jardin pour la suite des festivités.

Les nouveaux prêtres souhaitent bénir personnellement de nombreux fidèles. Ils le faisaient auparavant sur le parvis, envahi par les touristes impatients de pouvoir enfin visiter la cathédrale. Depuis quelques années, le recteur propose que ce geste ait lieu dans les jardins au chevet de la cathédrale.

Le lieu ainsi choisi permet d’y organiser en même temps des agapes fraternelles. Ainsi le diocèse se trouve-t-il associé à la joie des nouveaux prêtres et de leurs proches.

Un événement vraiment diocésain

Depuis une vingtaine d’années, les ordinations sacerdotales du mois de juin sont vraiment considérées comme un événement majeur de la vie du diocèse, non seulement par leur nature même, mais aussi parce que tous ceux qui le souhaitent peuvent y participer et même y rendre un service.

L’accueil de nouveaux prêtres est toujours une grâce immense. Mais cette grâce portera d’autant plus de fruits, y compris en vocations futures, que la célébration aura eu une ampleur et une publicité à la hauteur de l’événement. La liturgie est aussi un lieu d’annonce pour ceux qui sont au dehors, comme l’affirme le début de la Constitution Sacrosanctum Concilium :  « Puisque le saint Concile se propose de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles ; de mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements ; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et de fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il lui revient à un titre particulier de veiller aussi à la restauration et au progrès de la liturgie.» (n° 1)

La célébration des ordinations, impliquant un grand nombre de fidèles et ouverte sur l’extérieur, peut effectivement « contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Eglise » (n° 1).

Article extrait de la revue Célébrer n°385

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