Fleurir nos églises à la lumière du mystère pascal 2/5

« Comment fleurir en liturgie accompagne l’annonce et la célébration du mystère pascal ? »

Dans ce texte, le père Ledoux prend appui sur les quatre piliers de la Vigile pascale – Liturgie de la Lumière ; Liturgie de la Parole ; Liturgie de l’eau ; Liturgie eucharistique – pour réfléchir à la mission de « Fleurir en liturgie » et interroger ses acteurs.

Cet article développe le premier point : la Liturgie de la Lumière. Vous pourrez retrouver les autres en bas du texte ci-dessous.

L’art de fleurir en liturgie a ceci en propre qu’il fait entrer la Création elle-même dans l’Oïkos de Dieu, la « Maison de Dieu », son Église dont nos églises sont le signe, établissant ainsi un dialogue entre nature et culture au cœur même du culte chrétien qui est l’œuvre de la Trinité sainte. Comme Abraham accueillant dans sa tente les trois hôtes divins, c’est in medio Ecclesiae que, dans un sacrifice de louange, nous rendons à Dieu les fruits de la terre, de la vigne et du travail des hommes, pour qu’ils deviennent son plus beau fruit, la fine fleur de son Amour pour tous : le corps et le sang de Celui qui a pris notre humanité, rompu, versé et partagés pour que nous soyons unis à sa divinité.

Dès lors, dans nos « maisons de Dieu », la présence de la nature, sous toutes ses formes, manifeste cette vérité de la bonté, de la beauté et de la gloire du cosmos créé et sauvé avec tous les hommes. Autrement dit, en harmonie avec la liturgie, toute composition florale au milieu de nos sanctuaires participe, à sa manière, à l’annonce du kérygme, à savoir que la Mort n’a pas eu le dernier mot, que la Vie l’emporte toujours sur tout mal et que le monde est beau.

Bien plus, comme signes et symboles de la Création rachetée, ces fleurs sont là comme un tiers entre Dieu et nous, nous rappelant que la Terre en sa création est notre Maison commune, le jardin de notre liberté, le lieu-dit de notre salut accompli une fois pour toutes en son Fils né, mort et ressuscité pour nous. Telle est le cœur de notre foi au Christ, en son Mystère pascal dont, pour sa part, l’art de fleurir nos églises se doit de témoigner pour être véritablement liturgique.

Chemin de feu, chemin de foi
Liturgie de la Lumière

À l’orée de la célébration de la Vigile pascale, nous sommes rassemblés autour du feu nouveau ; depuis l’année précédente, nous avons aussi accompli un chemin de foi et de conversion plus ou moins linéaire ; pour venir jusqu’à cette célébration, nous aurons fait plus ou moins de chemin, et au sortir de cette célébration, nous aurons accompli un itinéraire qui nous remettra sur l’axe du chemin pascal.

Car, qui dit chemin, dit « direction », ou au moins « axe », « grand axe » (Nord/Sud, Est/Ouest), pour guider notre chemin, des ténèbres à la Lumière. Mais dans quel sens liturgique ? De Noël à Pâques… ou de Pâques à Noël ?

  1. Ténèbres et Lumière : de Noël à Pâques… ou de Pâques à Noël ?

Quel est, en effet, cet axe, si ce n’est celui de l’Année liturgique, ainsi que nous le rappelle le Directoire pour la piété populaire :

L’Année liturgique est la structure temporelle à l’intérieur de laquelle l’Église célèbre l’ensemble des mystères du Christ : « de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur ». Au cours de l’Année Liturgique « la célébration du mystère pascal constitue l’essentiel du culte chrétien dans son déploiement quotidien, hebdomadaire et annuel« . Il s’ensuit que (…) la priorité donnée à la célébration de l’Année liturgique sur toutes les autres formes d’expressions et de pratiques de dévotions, doit être considérée comme un principe fondamental.

À commencer par le dimanche qui est, poursuit le Directoire, « le « jour du Seigneur », en tant que « jour de fête primordial » et « fondement et noyau de toute l’Année liturgique ». » Et ce Directoire d’insister encore un peu plus loin :

Il est nécessaire, dans tous les cas, de se conformer très soigneusement à la directive de la Constitution Sacrosanctum Concilium, selon laquelle « on orientera les esprits des fidèles avant tout vers les fêtes du Seigneur, par lesquelles se célèbrent pendant l’année les mystères du salut« , auxquels il est certain que la bienheureuse Vierge Marie a été associée. Il est sans doute opportun de dispenser un enseignement catéchétique aux fidèles, dans le but de les convaincre que le dimanche, mémoire hebdomadaire de la Pâque, est vraiment « le jour de fête primordial ».

Mais pour comprendre vraiment le sens cette insistance sur le Mystère pascal, il nous faut bien saisir comment fonctionne cet axe fondamental qu’est l’année liturgique : allons-nous de Noël à Pâques ou de Pâques à Noël ? Allons-nous de la petite lumière du Verbe fait chair qui luit dans les ténèbres à la Lumière de la Résurrection ? Ou de la Lumière de Pâques qui éclaire désormais le passé, le présent et l’avenir du monde ?

Pour cela, il faut nous rappeler trois choses :

  • d’un point de vue biblique

– les évangiles ont été écrits à la lumière du Mystère pascal, c’est-à-dire après la mort, la résurrection et l’Ascension de Jésus, et même la Pentecôte ;

– les récits de l’Enfance (autour de Noël…) ont donc été reconstitués à cette lumière, rétrospectivement, et bien des éléments de ces récits ont été insérés a posteriori comme des signes « annonciateurs » du Mystère pascal (grotte/tombeau ; langes/linceul ; myrrhe des Rois mages/myrrhe de l’embaumement ; fuite en Égypte, massacre des Innocents…/épreuves de la Passion…) : la Croix et la Mort du Christ « s’annoncent » donc dès sa naissance !

  • d’un point de vue liturgique

D’une manière parallèle, l’année liturgique s’est d’abord constituée à partir du dimanche et de Pâques, puis le cycle Carême/Pâques, et ce n’est que plus tard, au IVe siècle (vers 330), que l’on a célébré Noël, puis le cycle Avent/Noël.

  • d’un point de vue théologique

Si le Mystère pascal prime et porte sa lumière sur toutes nos célébrations, et en particulier sur Noël, c’est parce que l’Incarnation n’a eu lieu qu’en vue de l’acte de salut accompli par le Christ pour nous sauver, comme le racontent aussi, à leurs manières, les récits de l’Enfance dont j’ai parlé plus haut. D’ailleurs, c’est le jour de Pâques que les Orthodoxes lisent le Prologue de l’évangéliste saint Jean que nous lisons, nous, le jour de Noël.

À ce titre, je voudrais citer une hymne que le poète Didier Rimaud a composée « au nom de la Vierge à la crèche » et qui me semble aussi suggestif pour le fleurissement de Noël :

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