La liturgie du baptême : une théologie en actes !

21 novembre 2010: Chrismation lors du baptême de Pénélope, 2 ans, par le P. Daniel BRUNO égl. Notre Dame de l'Assomption, Chantilly (60), France. November 21st, 2010: baptism of Pénélope, 2 years old, in Our Lady of the Assumption's churc., Chantilly (60), France.

21 novembre 2010: Chrismation lors du baptême de Pénélope, 2 ans, par le P. Daniel BRUNO égl. Notre Dame de l’Assomption, Chantilly (60), France.

Par Sœur Odette Sarda, dominicaine et théologienne

Il me semble intéressant d’ouvrir le Rituel du baptême des petits enfants et d’essayer de découvrir, à partir de la liturgie, la théologie du baptême, le mystère du baptême.

Considérons le premier chapitre : « Le baptême de plusieurs enfants ». Il est placé en tête du Rituel, avant le baptême d’un seul enfant : l’Église manifeste ainsi sa préférence pour le baptême de plusieurs enfants dans la même célébration.

Remarquons d’abord que nous sommes invités à un itinéraire. Cela convient admirablement, il s’agit de l’initiation chrétienne, d’un chemin d’initiation. La liturgie le souligne bien. Quand nous examinons la table des matières qui déroule la célébration, nous distinguons quatre moments qui indiquent quatre lieux différents : l’accueil à l’entrée de l’église ; la liturgie de la parole de Dieu à l’ambon ; au baptistère ; à l’autel.

L’accueil

Normalement, il a lieu en dehors de l’église, sur le parvis, ou bien dans le narthex en cas d’intempéries, car les enfants qui vont recevoir le baptême vont entrer dans l’Eglise par la démarche symbolique de l’entrée dans le bâtiment-église. Il est souhaitable qu’auprès des familles des bébés se tiennent des fidèles qui appartiennent à la paroisse et manifestent ainsi le peuple de Dieu.

Cet accueil exprime déjà quelque chose de l’amour du Père pour cet enfant. Il fait référence à la manière qu’a Jésus d’accueillir toute personne dans l’Evangile.

La première question que pose le ministre du baptême est : « Quel nom avez-vous choisi pour votre enfant ? » Cette question n’est ni anodine ni administrative mais bien de type rituel. Elle exprime une réalité théologique importante : le mystère du nom. Chaque être humain est unique et connu du Père des cieux. Il est appelé par son nom. Les références bibliques seraient ici innombrables.

Le baptême est célébré le dimanche (Rituel & 67 ; 44), le jour où l’Eglise célèbre le mystère pascal, la résurrection du Seigneur. Ces bébés qui vont être baptisés vont passer de la mort à la vie avec le Christ.

Les petits enfants présentés au baptême sont d’abord marqués du signe de la croix, sommet de ce premier temps de la célébration. Pour sceller en quelque sorte cet accueil, l’Eglise les marque pour la première fois de la croix du Christ, son Seigneur. Ce geste a traversé la Tradition. Depuis les communautés des temps apostoliques, toute personne, adulte ou enfant qui demande le baptême, est marquée du signe de la croix. Le petit homme commence à être configuré au Christ. Ainsi est inscrit sur le corps de l’enfant la marque du Christ mais aussi des trois personnes divines : Père, Fils et Saint Esprit, une anticipation du baptême, en quelque sorte.

Puis, cette assemblée est invitée à entrer dans l’église, dans l’Église en chantant.

Liturgie de la parole de Dieu

Un des membres de l’assemblée est invitée à lire un ou plusieurs textes bibliques relatifs au baptême. Entre les lectures, il est recommandé de chanter un psaume. Puis le ministre du baptême fait une homélie pour introduire au mystère du sacrement qui sera célébré dans un petit moment. Pourquoi la parole de Dieu ? Nous avons une religion révélée : la Parole est essentielle.

Il s’agit d’une Parole vivante : Dieu parle aujourd’hui à son peuple rassemblé. Il nous dit son amour. « Ouvre l’Ecriture, peu importe la page : partout, elle chante l’amour. » (Saint Augustin) Dès que des chrétiens se réunissent, ils écoutent la parole de Dieu.

Cette liturgie de la Parole éveille au mystère de la foi. Et elle provoque l’assemblée à la prière. Les chrétiens croient que Dieu notre Père agit aujourd’hui et pas seulement hier dans les hauts faits de l’Ancien ou du Nouveau Testament : ils le prient dans la confiance.

C’est alors le moment de l’exorcisme. Le ministre du baptême prie au nom de l’assemblée afin que ces bébés soient arrachés au péché pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu. Tout homme venant en ce monde est prisonnier des ténèbres, soumis au péché, tant qu’il n’appartient pas au Christ. Les enfants n’échappent pas à cette condition universelle. Au jour de leur baptême, ils passent dans le royaume du Christ, c’est ce que signifie l’exorcisme. Tout au long de leur vie, ils devront lutter contre le mal et se convertir en s’appuyant sur cette grâce baptismale, renouvelée en particulier dans le sacrement de pénitence. C’est ce qui est signifié dans l’imposition de la main ou bien dans l’onction d’huile des catéchumènes.

« N’ayez pas peur. Le Seigneur votre Dieu qui marche devant vous combattra lui-même pour vous ». (Dt 1, 29 – 30). Vient ensuite le geste de l’Effetah dont le sens est obvie : « Ouvre-toi ! »

Vers le baptistère

Symboliquement, il y a là une démarche initiatique riche : aller à la source de la vie. Deux chants peuvent accompagner cette procession, soit la litanie des saints si elle n’a pas encore été chantée, soit le psaume 22 qui est le psaume initiatique par excellence.

Les litanies des saints mettent en valeur l’aspect de communion dans l’Eglise : l’Eglise du ciel est liée à l’Eglise de la terre. C’est l’ouverture à l’universel dans le mystère du Christ.

Quant au psaume 22, on peut en donner cette lecture baptismale : comme un berger veille sur ses brebis en en prenant soin, le Seigneur, mon vrai Pasteur, me conduit à la source où coulent les eaux de la nouvelle naissance et vers la reposante fraîcheur de pâturages éternels. Il me faudra, en chemin, traverser le ravin ténébreux de la mort. Mais je n’ai rien à craindre : tu seras avec moi, toi qui es sorti du tombeau et remonté vivant du royaume des morts. Face à l’adversaire, au mal, à la mort, tu as déjà dressé pour moi la table du repas de fête et d’action de grâce. Après m’avoir parfumé la tête d’une huile joyeuse qui m’emplit de ton Esprit, tu me tends la coupe de bénédiction, pour une vie de bonheur et pour des jours sans fin dans ton Règne éternel.

Au baptistère

La belle et riche séquence baptismale proprement dite commence par la bénédiction et l’invocation sur l’eau. Elle donne au sacrement son aspect chrétien par son « faire mémoire ». Elle rappelle l’histoire du peuple de Dieu et nous invite à prier Dieu de poursuivre son œuvre de sanctification aujourd’hui. Elle est centrée sur le mystère pascal et ouvre sur le mystère trinitaire.

La renonciation à Satan et la profession de foi expriment que le nouveau chrétien passe d’un camp à l’autre ! Il y a un passage, je renonce à tout ce qui n’set pas le Christ pour me tourner vers le Christ. Il n’est pas possible de servir à la fois deux maîtres : croire au Christ, adhérer à lui, et s’inscrire avec lui dans le passage de la mort à la vie est attitude qui suppose comme sa contrepartie évidente, la renonciation à toutes les formes de vie incompatible avec l’Evangile des béatitudes.

La profession de foi exprime la foi de l’Eglise et souligne que le baptême est le sacrement de la foi.

Le baptême proprement dit, le geste baptismal par immersion ou par ablution dit l’inexprimable : le mystère du salut s’accomplit là. Voyez Col 2, 12 : « Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités. »

Le passage de la mort à la vie s’exprime par ce rite de l’eau qui était infiniment plus expressif durant les premiers siècles de l’Eglise où les catéchumènes descendaient nus dans l’eau, se dépouillant du mal qui colle à la peau, quittant une rive de leur existence pour aborder sur une autre. Et c’est dans l’eau, à la fois eau destructrice des déluges et des abîmes marins, et eau de la vie, de la fécondité et lieu de toute naissance, c’est dans l’eau qu’ils professaient la foi, avant d’en ressortir pour marcher dans une vie nouvelle.

Passage de la mort à la vie : vivre son baptême, c’est faire une croix sur tout ce qui cause la mort et la fait proliférer. C’est pouvoir se révolter devant ce qui racornit la vie. Vivre son baptême, c’est apprendre, à la suite de Jésus, à se dessaisir de sa propre vie, à ne pas mettre sa foi en soi-même, mais en Christ, à entrer dans la logique évangélique de la désappropriation et s’enrichir de ce que l’on a donné. Vivre son baptême, c’est apprendre à vivre sa propre mort. A la suite de Jésus, on peut dire que le chrétien a sa mort derrière lui ! Saint Paul parle des baptisés : « comme des vivants revenus de la mort » (Rm 6, 13).

Plusieurs rites développent tout cela : ils sont magnifiques dans leur richesse symbolique et dans leur noble simplicité.

Cet article est extrait de la revue Célébrer n°366

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