La Semaine Sainte, et de manière inclusive, le Triduum et la vigile pascale, constituent le cœur de l’année liturgique et l’expression déployée du mystère pascal. Objet de réforme liturgique avant même le concile Vatican II, la Semaine Sainte a été rendue accessible aux fidèles, notamment en restaurant des horaires des célébrations en cohérence avec leur signification.
Cette revitalisation visait une meilleure participation des fidèles aux célébrations et s’appuyait sur la redécouverte théologique de l’unité du mystère pascal du Christ, lequel est au cœur de la foi chrétienne : « si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (1 Co 15, 14).
En 2003, le Service national de la catéchèse avait engagé une réflexion intitulée Aller au cœur de la foi, questions d’avenir pour la catéchèse ? Prenant appui sur le déroulement de la vigile pascale, elle avait trouvé un écho important auprès de nombreuses communautés chrétiennes.
Pourtant, la participation actuelle des chrétiens aux célébrations paroissiales demeure incertaine et interroge les responsables pastoraux. Par ailleurs, on voit aussi des chrétiens convaincus qui passent la semaine sainte dans un monastère, voulant honorer, par ce choix, sa dimension spirituelle de « retraite ».
Si la richesse de la semaine sainte n’est pas à démontrer, comment se fait-il qu’elle soit si peu perçue dans son unité ? Quels pourraient-être les ressorts de signification à mettre en valeur qui rendraient un tel déploiement de la liturgie de l’Église, pertinent pour aujourd’hui ? Ce questionnement ne cherche pas à donner des « recettes liturgiques » pour rendre les célébrations plus attractives (!) mais à réfléchir aux résonnances potentielles de la semaine sainte pour nos contemporains.
Un regard sur les pratiques actuelles nous conduira à nous interroger sur les significations de la semaine sainte, ouvrant le champ à une réflexion théologique sur la manière de la célébrer aujourd’hui.
Les articles du dossier
Les pratiques telles que nous pouvons les observer dans les diocèses et les paroisses font apparaître un morcellement de la Semaine sainte. Quand elle est perçue comme « semaine », c’est à dire un temps qui commence le dimanche des Rameaux et s’achève le jour de Pâques (théoriquement avec les vêpres), c’est le plus souvent comme une succession de jours et non dans son unité. Parmi les célébrations prévues pour chaque jour, la plupart des chrétiens en paroisse choisissent celles auxquelles ils vont participer. Les mises en œuvre liturgiques sont aussi en difficulté, réalisées parfois sans grande différence d’avec les messes du temps ordinaire ou à l’inverse, faisant l’objet d’une surcharge de rites.
Conclusion
La Semaine Sainte unifie des réalités qui sont traversées par des oppositions : le temps est à la fois une continuité et un mémorial, l’espace liturgique reste permanent mais intègre le déplacement, l’assemblée se constitue d’individualités, les rites oscillent entre familiarité et étrangeté. Si la théologie peut rendre compte de l’unité du mystère pascal qui habite les célébrations de la semaine sainte, il n’en reste pas moins que les résonnances avec la vie concrète des personnes ne peut se faire par décalque. La pratique ponctualiste lors de cette semaine rend plus difficile une expérience chrétienne unifiée du mystère pascal du Christ.
Pourtant l’unité du mystère pascal dans son expression liturgique n’est pas immobile mais constituée d’éléments vivants qui se répondent et mettent chaque fidèle en mouvement. Ne serait-ce pas en raison de sa capacité à tenir ensemble ce qui semble opposé, et à intégrer ces oppositions dans un mouvement dynamique et vivant, que la semaine sainte revêt une véritable portée sacramentelle et une pertinence actuelle ?