Le Triduum pascal : le grand « passage » vers la Vie
« L’Eglise célèbre solennellement dans un Triduum sacré les mystères les plus grands de notre rédemption, en faisant mémoire, par des célébrations particulières, de son Seigneur crucifié, enseveli et ressuscité ». C’est ainsi que le Missel romain ouvre les préliminaires qui présentent le Triduum pascal.
Cet espace-temps de trois jours commence à la messe du Jeudi saint en mémoire de la Cène du Seigneur et, d’une célébration à l’autre, nous fait suivre en effet chaque année l’itinéraire de Jésus : depuis son dernier repas avec ses disciples à qui il confie le sacrement de son corps et de son sang, en passant par le procès qui aboutira à sa crucifixion en dehors de la ville, jusqu’au tombeau où il fut déposé, et qui sera trouvé vide au matin de Pâques. Cette mémoire, qui évoque les événements fondateurs, convoque tout à la fois l’Eglise comme corps et chacun de ses membres à les vivre en s’unissant à son Seigneur : « Suivons le Seigneur, afin qu’associés par grâce à la croix, nous ayons part à la résurrection et à la vie »[1].
A bien y réfléchir, ces célébrations successives ont pour particularité de n’en former en réalité qu’une seule, étalée sur trois jours, depuis la messe du jeudi soir jusqu’à l’aube du dimanche de Pâques. Ouverte par le signe de la croix au soir du Jeudi saint, notre liturgie se conclut par un envoi solennel – avec un double alléluia – à la fin de la Vigile pascale.
– L’eucharistie du Jeudi saint, précédée par le rite du lavement des pieds où le Christ lui-même se met à nos genoux avant de nous inviter à faire comme il l’a fait pour nous, nous invite à suivre le Saint-Sacrement, ‘transféré’ au lieu du reposoir, et à veiller et adorer « pendant une partie convenable de la nuit », répondant à l’invitation du Christ : « Restez ici et veillez avec moi » (Mt 26, 38b). Cette adoration se fait sans ostension, devant la porte fermée du tabernacle après que le saint-Sacrement ait été encensé. L’ostension à vivre le sera le lendemain, celle de la croix, incitant ainsi à ce que notre adoration n’oublie jamais que le cœur à cœur avec le Christ nous parlera toujours de son engagement « pour le salut du monde ».
– Le vendredi, « l’après-midi de ce jour, vers trois heures, à moins qu’une raison pastorale ne fasse choisir une heure plus tardive », la célébration de la Passion place en effet « face au ‘langage de la croix’ (1 Co 1, 18) »[2]. Pour s’y disposer, les ministres « s’avancent vers l’autel en silence » et « tous prient en silence pendant quelque temps »’. Puis s’amorce une longue liturgie de la Parole, notamment l’écoute du récit de la Passion selon saint Jean, auquel répond notre grande prière universelle « par Jésus, le Christ, notre Seigneur », en qui nous reconnaissons déjà « le grand prêtre par excellence »[3] qui sera « élevé dans la gloire du Père où il intercède pour nous ». Vient alors l’adoration solennelle de la sainte Croix[4] : portée en procession entre des cierges allumés[5], elle est élevée à trois reprises : « Voici le bois de la Croix, qui a porté le salut du monde. » et tous répondent : « Venez, adorons ». Puis tous « s’agenouillent et adorent en silence quelques instants », avant devenir adorer la Croix du Seigneur placée dans le chœur : par une profonde inclinaison, une génuflexion ou « un autre signe adapté », notre hommage mime en quelque sorte l’anéantissement du « Christ, devenu pour nous obéissant jusqu’à la mort »[6]. Enfin, par la communion au pain consacré la veille, « nous proclamons la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne »[7], puis nous nous retirons en silence.
– Le dépouillement de l’autel après la célébration du Vendredi anticipe l’atmosphère du Samedi. « La table de l’autel ayant été dépouillée, l’Eglise s’abstient de célébrer le sacrifice de la messe ». Dans la succession des jours saints, cette retenue inscrit dans nos mémoires que l’absence n’est pas forcément un défaut de présence mais son attente. « Le Samedi saint, l’Eglise demeure auprès du tombeau de son Seigneur. Elle médite la passion et la mort du Christ, ainsi que sa descente au séjour des morts, en attendant sa résurrection dans la prière et le jeûne ». Creuset d’un désir prêt à se laisser étonner, le dépouillement du samedi prépare à se laisser entraîner par le Christ tel qu’il souhaite « passer » maintenant dans nos existences.
– Vient alors la Vigile pascale dans la nuit sainte. Le feu nouveau jaillit : voici la nouvelle création inaugurée par la résurrection du Christ. C’est maintenant le cierge pascal, marqué de la croix, qui est élevé à trois reprises : « Lumière du Christ » tandis que nous suivons le Christ dans son passage de la mort à la vie. Après la proclamation de la Pâque, « la sainte Eglise, confiante en la parole et la promesse du Seigneur, médite les merveilles que, depuis les origines, celui-ci a réalisées pour son peuple (liturgie de la Parole). Aux approches du matin de la résurrection, avec les nouveaux membres qui lui sont nés par le baptême (liturgie baptismale), elle prend place à la table que le Seigneur a préparée pour son peuple, elle participe au mémorial de sa mort et de sa résurrection, jusqu’à ce qu’il vienne (liturgie eucharistique) ».
De la gravité du Jeudi-saint, en passant par le silence de la Croix et du tombeau le vendredi et le dépouillement du samedi, nous sommes ainsi menés avant l’aube du jour de Pâques à la joie de la résurrection du Christ dont nous sommes les membres, appelés à partager sa gloire. Le Triduum pascal nous renouvelle en nous replongeant chaque année, par ces ‘célébrations particulières’, au cœur du mystère qui nous fait vivre et inaugure la ‘cinquantaine’ pascale, cinquante jours pour laisser « (…) la Lumière du christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe(r) les ténèbres de notre cœur et de notre esprit »[8], jusqu’au don de l’Esprit à la Pentecôte.
Article du SNPLS
[1] Dans la monition qui précède la bénédiction des rameaux au début de la semaine sainte.
[2] Benoît XVI, Exhortation post synodale Verbum Domini 12.
[3] He 4, 14, 2ème lecture de l’Office de la Passion.
[4] Le missel prévoit deux formes pour ce moment, l’une avec une procession des seuls ministres, l’autre avec une procession qui mobilise toute l’assemblée.
[5] Selon la deuxième forme de présentation.
[6] Acclamation de l’évangile, d’après Ph 2, 2ème lecture du dimanche des rameaux et de la passion.
[7] D’après 1 Co 11, 26, 2ème lecture de la messe de la Cène.
[8] Lorsque le prêtre allume le cierge pascal avec une flamme provenant du feu nouveau, il dit : Que la lumière du Christ, ressuscitant dans la gloire, dissipe les ténèbres de notre cœur et de notre esprit ».