Le Livre des Bénédictions : sanctifier les circonstances de la vie

Promulgué le 31 mai 1984, le Livre des bénédictions est un rituel issu de la réforme liturgique initiée par le Concile Vatican II. Il propose des bénédictions liturgiques pour aider les chrétiens à louer Dieu en tout temps et à sanctifier les diverses circonstances de leur vie. En 1988, il est publié en langue française, édition revue et corrigée en 1995, réimprimée en 2003.

Le De benedictionibus, fruit de la réforme liturgique

Le De benedictionibus n’existait pas comme tel avant la réforme liturgique issue du Concile Vatican II. Antérieurement, les bénédictions se trouvaient réparties dans différents livres : le Pontifical et le Rituel romain de 1614 (notamment le titre IX de la version de 1952), mais aussi les Missels, où elles constituaient des « sacramentaux ». Le Livre des bénédictions actuel concrétise en fait les réflexions du Concile sur « l’Église dans le monde de ce temps » et sa volonté d’une « révision des sacramentaux », comme le précise le Décret de promulgation de ce rituel entré en vigueur en 1984 pour son édition typique latine et en 1988 pour sa version en français.

Ainsi la liturgie catholique continue aujourd’hui à offrir de nombreuses bénédictions. Certaines sont liées à la célébration des sacrements. Elles constituent alors des étapes dans le cheminement des personnes, selon l’itinéraire proposé dans les rituels correspondants. Ainsi dans la révision des livres liturgiques, on a intégré la bénédiction des vêtements religieux dans le Rituel de la profession religieuse, d’un autel dans celui de la Dédicace, des catéchumènes dans celui de l’initiation chrétienne des adultes ou celle des fiancés ou des époux dans le Rituel du mariage. Mais d’autres bénédictions sont prévues pour accompagner certaines activités humaines ou tenir compte de situations particulières, permettant de souligner la grâce que Dieu fait aux hommes en toutes circonstances. C’est surtout à ces dernières bénédictions qu’il a paru important de consacrer un rituel spécifique pour le bien des fidèles et le soutien de leur mission dans le monde.

« La célébration des bénédictions a une place particulière parmi les sacramentaux institués par l’Église pour le bien pastoral du peuple de Dieu. En tant qu’actions liturgiques, les bénédictions amènent les chrétiens à louer Dieu et les mettent en état d’atteindre l’effet principal des sacrements et de bien sanctifier les diverses circonstances de la vie » (Décret de promulgation du Livre des bénédictions).

La place des bénédictions dans la vie de l’Église

Les Praenotanda du Livre des bénédictions reflètent la vision qui a guidé la rédaction des célébrations-types proposées. Ces préliminaires commencent par resituer la signification des bénédictions dans l’histoire du salut. La Sainte Écriture témoigne que « tout ce que Dieu a créé et qu’il soutient dans le monde par la grâce de sa providence porte sa bénédiction et doit tendre à le bénir ». Et cela vaut encore plus « depuis que le Verbe fait chair a commencé à sanctifier toutes les réalités du monde par le mystère de son incarnation » selon un dynamisme qui culmine dans le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection et a vocation à se répandre jusqu’à l’achèvement du Royaume. C’est la raison pour laquelle « les bénédictions s’adressent d’abord et principalement à Dieu, dont elles exaltent la grandeur et la bonté ; mais, parce qu’elles communiquent les bienfaits de Dieu, elles regardent aussi les hommes que Dieu gouverne et protège par sa providence ; et elles se dirigent vers les autres créatures, dont la richesse et la variété sont mises par Dieu à la disposition de l’homme » (n. 7).

Fidèle à son Seigneur, l’Église puise en particulier dans le mystère eucharistique « la grâce et la force qui la rendent elle-même bénédiction dans le monde, comme sacrement universel du salut [LG 48], elle exerce sans cesse parmi les hommes et pour les hommes l’œuvre de sanctification, et avec le Christ, son chef, elle glorifie le Père dans l’Esprit Saint » (n. 8). Pour s’acquitter de cette mission, l’Église « a institué toutes sortes d’expressions de bénédiction, par lesquelles elle invite les hommes à louer Dieu, les incite à demander sa protection, les exhorte à gagner sa miséricorde par la sainteté de vie, et leur offre des prières pour demander ses bienfaits, pour qu’ils aient le bonheur d’obtenir ce qu’elle implore. De là viennent les bénédictions instituées par l’Église : signes sensibles par lesquels “est signifiée et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux” [SC 7] à la fois la sanctification des hommes dans le Christ et la glorification de Dieu, qui constituent le but auquel tendent toutes les autres activités de l’Église [SC 7 et 10] » (n. 9).

« En tant que signes, enracinés dans la parole de Dieu et célébrés dans la foi, les bénédictions entendent illustrer et doivent manifester la nouveauté de vie dans le Christ, qui tire son origine et sa croissance des sacrements de la nouvelle Alliance institués par le Seigneur. Fondées en outre sur une certaine imitation du sacrement, les bénédictions signifient toujours des effets avant tout spirituels qu’elles obtiennent par la supplication de l’Église [SC 60] » (n. 10).

Une célébration d’abord orientée vers la louange

Les propositions de bénédictions qui circulent un peu partout notamment sur le Net mettent souvent en avant surtout leur valeur protectrice, voire apotropaïque (visant à conjuguer le mauvais sort). Cette compréhension qu’on pourrait qualifier de « superstitieuse » peut même habiter des personnes proches de l’Église. Sans évacuer la réalité du mal, le Livre des bénédictions veut enraciner cette vision du monde dans l’histoire du salut et l’ouvrir à la grâce qui découle du mystère pascal. Il faut que « la célébration d’une bénédiction soit orientée d’abord vers la louange et l’exaltation de Dieu et ordonnée au bien spirituel du peuple de Dieu ». Aussi « pour que cela apparaisse plus clairement, conformément à la tradition ancienne, les formules de bénédiction visent à glorifier d’abord Dieu pour ses dons, à solliciter ses bienfaits et à écarter la puissance du Mauvais dans le monde » (n. 11).

Cette approche concrétise les réflexions du Concile sur « l’Église dans le monde de ce temps » notamment dans la constitution pastorale Gaudium et spes, avec cette conviction qu’il est possible de glorifier Dieu « en toute chose ». Puisque son ministère l’incite à rechercher « avant tout la manifestation de la gloire de Dieu envers les hommes, renés ou à renaître par grâce, l’Église, par ses bénédictions, loue le Seigneur pour eux et avec eux dans les circonstances particulières de leur vie et invoque sur eux la grâce de Dieu. En même temps, l’Église bénit aussi les objets et les lieux qui concernent soit l’activité humaine, soit la vie liturgique, la piété et la dévotion, en ayant cependant toujours sous les yeux les hommes qui se servent de ces objets et qui travaillent dans ces lieux. Car c’est l’homme, pour qui Dieu a voulu et a fait tout ce qui existe et qui est bon, c’est l’homme qui est le réceptacle de sa sagesse et qui reconnaît, par les rites de bénédiction, qu’il use des créatures de manière à chercher, aimer Dieu et à le servir fidèlement lui seul » (n. 12) en vue de la croissance du Royaume.

Cette considération très englobante des bénédictions reflète aussi l’enseignement de la constitution Sacrosanctum concilium (SC) sur la liturgie qui, dans son numéro 61, ne sépare pas les sacramentaux (dont les bénédictions) des sacrements, mais les unit autour leur source : le mystère pascal, et dans leurs effets : la sanctification de l’homme et la louange de Dieu. « Ainsi, par les rites de bénédiction, les hommes sont préparés à recevoir l’effet principal des sacrements et les circonstances diverses de leur vie sont sanctifiées » (n. 14).

« La liturgie des sacrements et des sacramentaux a cet effet que, chez les fidèles bien disposés, presque tous les événements de la vie sont sanctifiés, par la grâce divine qui découle du mystère pascal de la Passion, de la mort et de la résurrection du Christ ; car c’est de lui que tous les sacrements et sacramentaux tirent leur vertu ; et il n’est à peu près aucun usage honorable des choses matérielles qui ne puisse être dirigé vers cette fin : la sanctification de l’homme et la louange de Dieu » (SC 61).

Les personnes au centre

Le Livre des bénédictions comporte une quarantaine de chapitres avec des célébrations‑types. Au début de chaque chapitre, des préliminaires précisent le sens de la bénédiction et donnent des indications sur les ministres, le formulaire et les adaptations possibles. Les chapitres sont répartis en cinq parties :

  1. La bénédiction des personnes et d’abord les familles et leurs membres, mais aussi les malades, les catéchistes, les associations caritatives, les pèlerins ou les voyageurs.
  2. Les bénédictions concernant les activités humaines. À côté des bénédictions plus habituelles : sources, champs, animaux, prémices de récoltes, pose de première pierre, on trouve les récents moyens de transport et de communication sociale, des installations techniques et des instruments de travail…
  3. La bénédiction des objets pour le culte: baptistère, mobilier liturgique, nouvel objet de culte, cloche, orgue, chemin de croix, cimetière
  4. La bénédiction d’objets de dévotion, apportés lors de circonstances spéciales : fleurs, eau, pain, vin, feu (saint Jean), mer… ou objets de piété, chapelets, scapulaire.
  5. Une dernière partie porte sur les bénédictions diverses.

Ce nouveau rituel issu de la réforme liturgique met clairement les personnes au centre. Il leur consacre explicitement la première. Lorsqu’il parle des activités humaines, c’est toujours un projet humain à visée spirituelle qui est béni à travers les objets ou les débuts de réalisation, et donc en définitive, des personnes : réalisateurs des projets, utilisateurs, bénéficiaires… Quand l’attention se porte sur les objets de culte et de piété, c’est en tant qu’ils peuvent soutenir la relation des personnes à Dieu.

« La vie chrétienne se développe de bien des manières lorsque, dans l’Esprit Saint et selon ses commandements, elle propage tout ce qui est bon pour le bien de l’humanité ainsi que pour les produits de la nature et de notre travail. Elle se développe donc aussi lorsque le Seigneur nous bénit et que nous bénissons le Seigneur ; c’est pourquoi nous lui rendons grâce et nous implorons son aide par des célébrations et des prières appropriées pour que tout ce qui nous arrive soit utilisé comme il faut pour achever le Royaume de Dieu » (Livre des bénédictions, n. 1225).

« Pour que tout ce qui nous arrive soit utilisé pour achever le Royaume »

À la différence de la compréhension « superstitieuse » évoquée plus haut, où l’on a parfois l’impression qu’aux yeux des bénéficiaires, une bénédiction se compose avant tout d’un geste et d’une parole posés sur un objet, le Livre des bénédictions insiste fortement sur l’insertion de ce geste et de cette parole dans tout un programme rituel : rassemblement à plusieurs, parole de Dieu, prière commune, envoi… Le rituel demande que cette structure d’ensemble soit toujours respectée en cas d’adaptation du formulaire. Il s’agit au fond d’assurer la dimension ecclésiale de ce qui arrive.

La structure typique d’une bénédiction comprend deux moments principaux, « qu’il ne faut jamais omettre, même dans les rites abrégés » (n. 23) : une liturgie de la Parole et une action de grâce pour les bienfaits de Dieu avec une demande de bénédiction. Ils sont précédés de rites d’ouverture (chant, salutation, signe de croix, monition…). La liturgie de la Parole comporte un ou plusieurs passages de l’Écriture, éventuellement suivi d’un psaume ou d’un chant, et d’un commentaire ou d’une homélie. Une prière d’intercession commune conduit à la bénédiction selon une formule indiquée, accompagnée d’un geste. Une conclusion termine la célébration.

Notons pour terminer une proposition révélatrice. Le dernier chapitre du Livre des bénédictions offre une célébration-type permettant de « sanctifier d’autres circonstances de la vie qui ne sont pas directement indiquées dans les formulaires précédents » (n. 1244). Il est même indiqué que ce formulaire est à dessein facilement adaptable. La présence d’un tel chapitre reflète bien la vision générale du Livre : les circonstances de la vie ne cessent d’offrir des « occasions variées de prière et d’action de grâce », des occasions à saisir même si un discernement sera toujours à exercer pour ne pas bénir « n’importe quoi » (n. 1245). Par son existence même dans le sillage du Concile, le Livre des bénédictions délivre donc un message : c’est à travers toute leur vie que les hommes sont appelés à reconnaître la volonté de Dieu et à chercher ce qui est bon. Grâce aux bénédictions, ils comprennent mieux ce qu’est la bénédiction de Dieu, cette proximité qui se manifeste aussi dans les diverses circonstances de la vie humaine, et ils l’obtiendront vraiment. L’enjeu ? La sanctification du monde et l’achèvement du Royaume !

SNPLS

Les bénédictions

  • La bénédiction, un acte essentiel

    Bénir est un acte essentiel de la vie religieuse. L’homme, de nature religieuse, a toujours cherché la bénédiction pour lui ou pour les autres. La Révélation à Abraham jusqu’à son accomplissement dans le Christ est une bénédiction. « Je te bénirai », dit Dieu à Abraham (Gn 12, 2). Et Paul, contemplant l’accomplissement dans le Christ, « loue Dieu qui nous a bénis par toutes sortes des bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ » (Ep 1,3). Dieu bénit l’homme ! Voilà l’essentiel.

  • Bénédiction de la table familiale

    La table familiale est une invitation à l’action de grâce. C’est autour d’une nourriture préparée et partagée que nous apprenons les fondamentaux de notre vie d’homme, l’ouvrant à la transcendance en commençant simplement par dire merci. La prière de bénédiction de la table -Benedicite- s’inscrit dans cette sagesse.

  • Bénédiction des objets de piété : repères pratiques

    Chapelets, médailles, statues… les demandes de bénédiction d’objets de piété sont fréquentes, surtout dans les sanctuaires. Ces demandes traduisent de grands besoins, le désir d’une parole qui fasse du bien, d’une prière qui soutienne ou d’un geste qui conforte. Une pastorale des bénédictions est appelée à soigner l’accueil, la parole et le geste.