Importance de la Liturgie des Heures dans la vie de l’Église (PGLH 1-19)
Comment aider à entrer dans l’intelligence de la Liturgie des heures ? Il ne suffit plus, de nos jours, de décrire la manière adéquate de mettre en œuvre des rites, il faut aussi expliquer leur raison d’être et aider les participants à le faire avec intelligence, ferveur et fruit. Cela semble d’autant plus indispensable que le Concile a souhaité promouvoir, avec la réforme de l’Office divin, un changement de mentalité et un approfondissement spirituel.
La Présentation générale de la Liturgie des heures, publié en 1971, constitue à cet égard un véritable traité de la prière de l’Église, en toutes ses dimensions, théologiques, pastorales, spirituelles et liturgiques enraciné dans la Constitution dogmatique Lumen gentium où l’Église se définit comme peuple de Dieu. Comportant cinq chapitres et 284 paragraphes, ce document est l’un des plus importants de la réforme liturgique. Son premier long chapitre doctrinal intitulé « Importance de la Liturgie des Heures dans la vie de l’Église » donne le ton à l’ensemble du document.
Comment aider nos paroisses, diocèses et mouvements à approfondir le sens de la prière communautaire ? Comment mieux faire découvrir aux fidèles la prière de l’Église qu’est la Liturgie des heures, comme un des lieux privilégiés de cet « émerveillement devant le mystère pascal », auquel invite le pape François (Desiderio desideravi) ? Ces questions ont animé les participants de la Journée Nationale du SNPLS le 3 avril 2024. L’article qui suit reprend la contribution de F. Benoît-Marie Solaberrieta, de l’Abbaye d’En Calcat, qui a commenté les numéros 1 à 19 de ce premier chapitre doctrinal de la Présentation générale de la Liturgie des heures (PGLH). Son analyse permet de mettre en valeur l’importance de la prière de l’église locale au sein du peuple de Dieu.
Présentation générale de la Liturgie des Heures
« Importance de la Liturgie des Heures dans la vie de l’Église »
Commentaire des numéros 1 à 19
Introduction
La Présentation Générale de la Liturgie des Heures (PGLH), publiée le 2 février 1971 par le pape saint Paul vi, constitue une œuvre collective, non seulement par le nombre de ceux qui ont participé à son élaboration, mais plus encore par l’importance des décisions prises. Elle préparait les ministres ordonnés, les consacrés et les fidèles laïcs à accueillir le nouvel Office divin, restauré selon les normes de Vatican II.
La nouveauté, ou pour mieux le dire, le renouveau s’exprime déjà par le changement de vocabulaire. Désormais, nous ne parlons plus de « Bréviaire ». En effet, un livre abrégé suppose un livre plus important ou un ensemble de livres qu’il résume, alors que, précisément, depuis des siècles, le Bréviaire se suffisait à lui-même. La PGLH parle de liturgie des Heures, et le livre qui la contient s’appelle désormais La Liturgie des heures.
Fruit de longues réflexions et discussions, ce choix répond bien au désir du Concile de restaurer l’Office pour qu’il soit vraiment une Liturgie des Heures :
« L’Office divin, d’après l’antique tradition chrétienne, est constitué de telle façon que tout le déroulement du jour et de la nuit soit consacré par la louange de Dieu » (SC 84).
C’est ce principe que Vatican II fixe comme base du travail de réforme. Toutefois, pour éviter toutes déviations, la Constitution sur la liturgie ajoute une indication précise :
« Il importe, soit pour sanctifier véritablement la journée, soit pour réciter les Heures elles-mêmes avec fruit spirituel, que, dans la récitation des Heures, on observe le moment qui se rapproche le plus du temps véritable de chaque Heure canonique » (SC 94).
Le changement de nom exprime ainsi, dès le titre, le changement de perspective à laquelle sont invités ceux et celles qui ouvriront le livre et, même déjà, les lecteurs de la PGLH.
Or, plus encore qu’un ensemble de prescriptions régissant la prière ou la célébration, la PGLH est destinée à promouvoir une pédagogie, à donner un esprit.
De fait, il ne suffit plus, de nos jours, de décrire la manière adéquate de mettre en œuvre des rites, il faut expliquer leur raison d’être et aider les participants à le faire avec intelligence, ferveur et fruit. Ceci est d’autant plus indispensable que, comme nous l’avons déjà précisé, la réforme de la Liturgie des Heures doit promouvoir un changement de mentalité et un approfondissement spirituel. C’est pourquoi ce document qui comprend cinq chapitres, en 284 paragraphes, est l’un des plus importants de la réforme liturgique. C’est un véritable traité de la prière de l’Église, en toutes ses dimensions, théologiques, pastorales, spirituelles et liturgiques enraciné dans la Constitution dogmatique Lumen gentium où l’Église se définit comme peuple de Dieu.
C’est la raison pour laquelle, il commence par un premier long chapitre doctrinal intitulé « Importance de la Liturgie des Heures dans la vie de l’Église » qui donne le ton à l’ensemble du document. Son analyse permet de découvrir et d’approfondir l’importance de la prière de l’église locale au sein du peuple de Dieu.
Aussi, nous attacherons-nous à présenter et à souligner les valeurs essentielles de la Liturgie des heures à partir des caractéristiques des 19 premiers paragraphes qui constituent le cœur de la réflexion de ce chapitre fondamental.
Le Christ, source et modèle de la prière de l’Eglise
L’exemple et le commandement du Christ sont le point de départ de cette prière de l’Église. Les Évangiles témoignent que la prière rythme toute la vie de Jésus Christ. Au-delà des coutumes juives du peuple auquel il appartient, pour lui, l’activité quotidienne est intimement liée à la prière. Nous le voyons, par exemple, passer la nuit à prier Dieu, son Père. Sa prière est plus intense aux heures décisives. Il prie seul, mais il chante également des hymnes avec ses disciples (PGLH 3-4), qu’il invite à une prière constante et persévérante sans se décourager (Lc 18, 1). Il désire faire de l’Église une communauté de prière (PGLH 5). De fait, les Apôtres et les premiers chrétiens se font, non seulement l’écho du commandement donné par le Maître de prier sans cesse, mais surtout persévèrent effectivement dans la prière fervente et dans l’écoute de la parole de Dieu, unies à la fraction du pain et à la communion fraternelle (PGLH 1).
C’est pourquoi, la prière de l’office divin à certaines heures de la journée a sa source d’inspiration dans la prière continuelle, recommandée et pratiquée par Jésus (PGLH 10) et, à sa suite, par la communauté apostolique.
La liturgie des Heures, manifestation privilégiée de l’Église en prière
La communauté des baptisés, l’Église, ne peut pas exister sans le déploiement continuel de sa dimension orante (PGLH 9-10). De fait, au cours de sa vie terrestre et donc de sa présence parmi nous, le Christ était habité par une prière incessante, car il ne faisait qu’un avec son Père, mais il exprimait cette prière à certains moments de façon publique. De même, chrétiens, nous devons apprendre à faire de toute notre vie quotidienne un sacrifice spirituel à travers une vie de prière personnelle régulière, sans pour autant oublier de rejoindre nos frères et nos sœurs pour prier ensemble. Ce n’est pas là une loi imposée de manière disciplinaire, mais une nécessité qui appartient « à l’essence de l’Église, qui est une communauté et qui doit, par sa prière aussi, manifester sa nature communautaire » (PGLH 9).
La liturgie des Heures permet cette prière et cette expérience communautaire, même s’il faut admettre qu’en fait, nous ne pouvons pas toujours être rassemblés.
L’Église se nourrit de sa prière publique qui en est une de ses caractéristiques fondamentales. En effet, dans sa dimension humaine, l’Église est une réalité concrète présente et priante dans toute communauté ecclésiale et célébration liturgique. Or, ce n’est pas l’assemblée célébrante qui rassemble, mais bien l’Église universelle qui, dans le Christ et dans l’Esprit Saint, vit et agit au travers les assemblées et donc leurs membres qui deviennent les instruments de l’Église qui la font être et agir.
Si toute prière formulée par un chrétien ou une assemblée est accueillie et assumée par l’Église, seule la liturgie des Heures exprime pleinement l’Église orante comme telle et sa permanence assidue dans la prière. Elle seule est capable de l’actualiser dans les personnes et dans les divers lieux sous la forme qui lui est la plus adéquate et naturelle.
Or, si la prière du Christ et de l’Église culmine dans la célébration de l’Eucharistie, sacrifice de la Tête et de ses membres, exercice le plus parfait de la dignité sacerdotale de l’Église, et plus largement, si les sacrements sont l’actualisation principale de l’aspect sacramentel de l’Église, la liturgie des Heures est, par excellence, ce qui accomplit la mission de prière permanente confiée par le Christ à son corps qui est l’Église (SC 83 ; PGLH 10 et 13).
De plus, incontestablement toute liturgie est prière, avec en premier lieu l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne, mais également tous les sacrements et plus largement encore les pieux exercices et les dévotions populaires.
L’Église est donc en prière dans toutes les formes de piété.
Cependant, si nous considérons la prière répartie sur les heures de la journée pour consacrer le temps, la liturgie des Heures peut être considérée comme l’expression la plus caractéristique de la communauté célébrant sans cesse les louanges du Seigneur. C’est cette prière que l’Église, corps du Christ, fait sienne à un titre particulier ; toute sa tradition, son universalité et sa continuité en témoignant.
Aucune prière exprimée à heure précise n’est plus traditionnelle dans l’Église que la liturgie des Heures. Aucune n’a été et n’est plus largement pratiquée par les ministres ordonnés, les consacrés et les fidèles laïcs dans toutes les Églises d’Orient et d’Occident, et même par les confessions protestantes. De plus, en prenant en compte la présence chrétienne sur l’ensemble du globe terrestre, il est intéressant de relever qu’il y a une continuité et donc une permanence entre les diverses assemblées et les fidèles qui, sur tous les points de la terre, célèbrent l’Office divin.
Toutes ces réalités donnent un plus grand relief à la nature de l’Église qui est d’être une communauté, non seulement priante, mais priant constamment et en tout lieu (SC 83 ; PGLH 7, 10, 13, 15). La liturgie des Heures a, précisément, pour mission de susciter et d’actualiser cette réalité en toute assemblée ou personne qui la célèbre.
Ainsi la liturgie des Heures réalise-t-elle la louange perpétuelle de l’Église qui anticipe la louange éternelle qui se déploiera lors de la venue du Christ à la fin des temps. Voilà donc manifesté un autre aspect spécifique de l’Église, sa dimension eschatologique. Si, au ciel, la dimension sacramentelle de la liturgie prendra fin, la louange du Seigneur restera la tâche éternelle, accomplie dans la joie de l’assemblée céleste. La liturgie des Heures s’inscrit dans ce mouvement de glorification continue, qui, une fois transfigurée, n’aura pas de fin. C’est pourquoi, elle fait de l’Église terrestre une assemblée de louange, une anticipation de l’Église qui chante au ciel les louanges éternelles, en s’unissant, dès ici-bas, à la louange des élus (LG 50 ; PGLH 15-16)
La présence du Christ, unique prêtre
En toute prière chrétienne, le Christ est toujours présent. Cependant, il l’est particulièrement dans la prière liturgique de l’Église, dans laquelle et avec laquelle lui aussi supplie, intercède et psalmodie (SC 7 ; PGLH 13). Nous croyons à une présence spécifique du Christ au milieu de ses frères priant la liturgie des Heures. Selon sa promesse, il les fait exister d’une manière nouvelle, en lui : là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux (Mt 18, 20), nous dit-il. Cette parole est un des fondements de la théologie de la prière de l’Église. Chaque fois que nous nous tournons vers le Seigneur Dieu, il nous est présent avec la puissance de son salut (Is 58, 10). Ainsi, dans la célébration de la prière de l’Église, expérimentons-nous, dans la foi, l’espérance et la charité, la présence du Seigneur, l’unique médiateur entre le Dieu de sainteté et les hommes pécheurs que nous sommes (PGLH 6). Si l’exemple d’une assemblée de chrétiens en prière exerce une vraie puissance d’attraction autour d’elle, c’est parce qu’en elle le Christ est présent avec son amour, sa paix et sa joie. C’est dans ce cadre qu’il réalise au plus haut point sa mission unique de prêtre, de priant pour l’Église universelle. Au cours de son existence terrestre, le Christ fut prêtre par sa vie de louange à Dieu, son Père, et de supplication pour les hommes, ses frères. Désormais, il poursuit cette vocation au ciel (PGLH 4). Mais ce sacerdoce de prière s’exerce au plus haut point dans la prière liturgique de l’Église (SC 7), laquelle perpétue et réactualise le sacerdoce unique de son fondateur (SC 83 ; PGLH 13).
Or, la liturgie des Heures a un caractère anamnétique par rapport à la vie de prière de Jésus : elle est un mémorial. Elle ne se contente pas d’entretenir un souvenir et de célébrer jour après jour le même mystère en redisant les mêmes paroles. La prière fait réellement partie des actes du Christ, de ceux que la liturgie commémore et actualise pour que, nous, fidèles, entrions en communion avec lui et accueillions le salut (PGLH 12). Centrée sur la parole de Dieu, entendue en Église à partir de l’Écriture, la liturgie des Heures est un des lieux privilégiés de la réponse du Corps entier et de chacun de ses membres. Écoute et réponse constituent le rituel d’Alliance de Dieu avec son peuple aujourd’hui. La présence du Christ, pour nous parole de Dieu et parole à Dieu, est au centre de cet acte cultuel irremplaçable (PGLH 7)
L’Esprit Saint, source principale de la Liturgie des Heures
Rappelons une évidence : toute véritable prière chrétienne se déploie sous la motion de l’Esprit du Ressuscité, l’Esprit Saint (PGLH 8). L’affirmation de son intervention dans la prière chrétienne est une évolution notable par rapport au chapitre iv de la constitution sur la liturgie qui ne le mentionne même pas. L’Esprit Saint qui fait des fidèles des fils adoptifs tient un rôle éminent dans notre vie de prière comme dans toutes nos activités bonnes. L’Église entière ne pourrait pas être le sujet agissant de la liturgie des Heures si, précisément, l’Esprit Saint n’en unissait pas tous les membres entre eux et avec leur Chef, le Christ (PGLH 8). N’est-ce pas l’Esprit saint qui établit l’union parfaite entre la prière de l’Église et celle du Christ ? N’est-ce pas lui qui rend l’Église présente et vivante dans les assemblées et les personnes qui célèbrent la liturgie des Heures ? Toutes formes d’action de l’Esprit concernant la prière y atteignent un degré supérieur, en raison de la présence en elle du Christ qui donne l’Esprit (PGLH 13).
En animant de la sorte la prière de l’Église, l’Esprit Saint la rend agréable au Père. Finalement, il fait s’écouler dans le cœur de l’Église la louange à la Trinité qui résonne de toute éternité au ciel et que le Christ a apportée sur la terre (PGLH 3). Car, d’origine trinitaire, la prière chrétienne est, en effet, l’hymne qui résonne éternellement au sein des trois Personnes divines, et que le Verbe a introduit sur terre en devenant homme. De pure louange qu’elle était, elle est devenue adoration, propitiation, intercession (SC 83 ; PGLH 3).
Il est à noter qu’aucune autre prière ne permet d’être autant en communion avec le Christ, chantre de cette hymne trinitaire, que la liturgie des Heures, prière par excellence de son Corps, de son Épouse, de son Peuple (SC 83 ; PGLH 15-16).
De même, il est remarquable de souligner que la liturgie des Heures est l’unique prière qui ait son équivalent, fondamentalement le même, dans toutes les confessions chrétiennes. Toutes les Églises orientales ont leur office divin, avec des dénominations et des structures propres, mais fondé presque toujours sur l’Écriture sainte, sur des prières traditionnelles et surtout sur la sanctification du temps. Les diverses confessions protestantes et anglicanes ont, chacune à leur manière, un office divin qui se rattache à la tradition antique commune. Il y a donc, sur le plan de la louange ecclésiale du Seigneur, une certaine unité, qui n’a jamais été brisée, et qui est l’œuvre de l’Esprit Saint, principe d’unité (LG 7 et 13)
Cette fonction unificatrice va plus loin, parce que l’Esprit Saint est aussi principe dynamique qui vivifie la prière (PGLH 8) et particulièrement l’Office divin que célèbrent les diverses communautés séparées. Mieux, il les unit toutes en une communion de prière et de bienfaits spirituels (LG 15). Après l’Eucharistie, c’est principalement dans la liturgie des Heures que l’Esprit Saint fait grandir l’unité parfaite de tous dans l’unique Corps du Christ, et cela dans la louange et la supplication.
La sanctification du temps et de l’homme, œuvre majeure de la liturgie des Heures
La raison d’être principale de la liturgie des Heures est, sans nul doute, de « Sanctifier la journée et toute l’activité humaine » (PGLH 11) par la prière des heures au cours des différents temps de la journée. Pour le dire autrement, la fonction propre de l’Office divin est la sanctification du temps. En tant que prière surtout déterminée par le cycle des Heures, la liturgie des Heures consacre le temps tout entier (SC 84 ; 88 ; PGLH 10). La prière est entièrement organisée au regard du temps. Elle sanctifie le monde dans son évolution, non pas en l’exorcisant de quelque chose d’immonde, comme si sa nature était foncièrement mauvaise, mais en révélant à l’homme sa vraie fin et en lui faisant accueillir dans la foi, l’espérance et la charité, le rapport existant entre, d’une part, l’univers créé et la vie, et d’autre part, l’œuvre de la Trinité, le mystère du Christ sauveur et l’Église opérant sur terre. La liturgie des Heures souligne et rappelle, par l’adoration, la louange et la supplication, le lien primordial existant entre les Heures et l’action du Sauveur. Elle met en relation directe l’instant de la célébration avec l’éternité de Dieu. Ce ne sont pas ceux qui prient qui sanctifient le temps : Dieu seul le peut. Mais en priant, ils donnent en quelque sorte au Seigneur d’habiter notre temps, d’y répandre sa sainteté. Par la liturgie des Heures, Dieu se manifeste comme celui qui habite notre temps.
En ce sens, la liturgie des Heures manifeste la dignité de l’homme comme médiateur de louange entre les choses créées et le Créateur. Ainsi, devient-elle, par l’intermédiaire des hommes, un immense cantique des créatures bénissant leur Créateur.
Or, pour nous, chrétiens, le Christ est le modèle parfait de sainteté vers lequel nous désirons ardemment tendre tout au long de notre existence. En effet, la sainteté chrétienne consiste à connaître le Seigneur de mieux en mieux et à le suivre au plus près jusqu’à lui être assimilé. Précisément, pour sa part, la liturgie des Heures fait également revivre chez des fidèles la figure du Christ à travers les pages du Nouveau Testament et plus largement dans toutes les autres lectures et prières qui composent l’Office divin. Au cours de la célébration de chaque Heure, le Christ est toujours présent (PGLH 13) car, sous l’action de l’Esprit saint, il reproduit ses traits dans la personne des fidèles et dans l’Église rassemblée. Il actualise l’œuvre de rédemption des hommes et la parfaite glorification de Dieu (PGLH 13) en répandant l’abondance de ses grâces.
La liturgie des Heures, préparation et développement des sacrements
La Liturgie des Heures a un lien très étroit avec la célébration des sacrements, en général, et avec le mystère de l’Eucharistie, en particulier. Répartie au cours de la journée, elle prolonge dans le temps la force de sanctification contenue dans l’Eucharistie et dans les autres actions sacramentelles (PGLH 12).
Sous une forme différente de l’Eucharistie, elle prolonge et maintient la présence du Christ dans sa dimension pascale, son engagement d’Alliance, son attitude d’offrande, son sacrifice de louange, dans l’adoration, l’intercession et la supplication (PO 5 ; PGLH 12). Essentiellement, prière d’action de grâce et de louange, elle est homogène à la célébration de la messe qu’elle prépare et qu’elle continue en quelque sorte. Mieux, elle répercute au long de la journée l’écho de la grande prière eucharistique, en en reprenant les grandes orientations et en les amplifiant dans le climat de louange et d’intercession qui lui est propre. Elle est réellement une expression privilégiée du dialogue que Dieu a voulu nouer avec les hommes rachetés dans le sang de son Fils et qu’il conduit par leur unique Esprit Saint.
Certes, le centre et le sommet de la vie de l’Église et de sa prière demeure la célébration de l’Eucharistie. Cependant, l’expérience de la première communauté chrétienne de Jérusalem nous montre clairement que l’Eucharistie n’est pas le seul pôle de rassemblement des fidèles. En effet, la liturgie des Heures élargit aux diverses heures de la journée les louanges, les actions de grâce, la mémoire des mystères du salut, les prières qui s’expriment au cours de la messe (PGLH 12). De plus, elle unit la terre au ciel, car, par son Incarnation, le Christ a apporté en notre exil terrestre l’hymne de louange qui est chanté éternellement au ciel (PGLH 3) faisant de la liturgie des Heures un avant-goût de la gloire céleste (PGLH 16).
De même que le sacrement du baptême a donné naissance à une créature nouvelle, la prière des Heures fait naître le chant nouveau de la louange et donne corps à l’engagement à mener la vie nouvelle. Le chant des psaumes et toutes les prières reçues à la lumière de la foi au Christ ressuscité y conduisent.
Comme le sacrement de la Confirmation, elle souligne l’expérience unique de l’Esprit Saint. N’est-ce pas lui qui enseigne comment prier, qui soutient celles et ceux qui prient malgré leur faiblesse et leur incapacité, et qui fournit des textes inspirés, tels que les psaumes ?
La liturgie des Heures se situe aussi dans le mouvement de conversion de la pénitence sacramentelle. Elle le manifeste, en particulier, dans la prière des psaumes exprimant une humble confession, dans l’acte pénitentiel au début la prière des Complies et dans ses nombreux textes dans lesquels les fidèles reconnaissent leurs fautes et implorent le pardon du Seigneur.
De plus, en célébrant la liturgie des Heures, les fidèles déploient leur sacerdoce baptismal, tandis que les ministres ordonnés exercent plus particulièrement celui qu’ils ont reçu par le sacrement de l’Ordre. Comme souligné précédemment, en définitive, la prière est pour nous, disciples du Christ, comme pour le Christ lui-même un acte sacerdotal de première importance (SC 7 ; PGLH 13.15).
Enfin, la liturgie des Heures est la voix de l’Église Épouse qui parle à son Époux, le Christ.
Les époux qui la pratiquent peuvent revivre leur mariage comme le signe sacramentel de l’amour qui unit le Christ et l’Église. Cet amour s’exprime dans la prière qu’ils élèvent ensemble devant Dieu, le Père des cieux. Ainsi, l’amour mutuel des époux chrétiens trouve-t-il une expression, et non des moindres, autant qu’un puissant stimulant dans la prière faite ensemble. La liturgie des Heures les aide à rendre toujours plus transparent le signe sacramentel de l’union du Christ avec son Église dans une vie conjugale animée d’un amour réciproque et d’une fécondité spirituelle à l’égard de ceux qui les entourent.
Ainsi, toute vie sacramentelle se reflète-t-elle dans l’Office divin et pénètre toutes les heures par la louange et la contemplation. De cette manière, elle sanctifie le temps lui-même en sanctifiant les personnes. Par conséquent, celui qui accueille l’action de l’Esprit Saint reçoit de la liturgie des Heures une grande force pour avancer sur le chemin de la conversion.
En effet, la liturgie des Heures donne la force de faire face aux luttes et aux difficultés qui se rencontrent sur la voie de la sainteté. Elle fait croître les forces théologales (PGLH 12), grâce à l’accueil de la parole de Dieu et à tous les moments de dialogue avec celle-ci. C’est une prière qui purifie, éclaire, enrichit de grâces (PGLH 14). Elle amène à reconnaître l’action déterminante de Dieu (SC 86 ; PGLH 18). Or, le Seigneur attend de nous d’être sollicité, en ce domaine également, par la prière (Mt 7, 7-10).
À l’exemple de son Maître et Seigneur, dont le ministère quotidien fut animé par une prière incessante, et fort de l’expérience fervente des Apôtres qui ont suivi son exemple, l’Église ne cesse de recommander avec insistance la prière, et, tout particulièrement, la liturgie des Heures (PGLH 18) qui, pour devenir prière personnelle, nécessite un cheminement. Prière continuelle, elle accorde une place à nos préoccupations quotidiennes tout en nous obligeant à savoir nous en extraire. La prière des Heures permet de dépasser les goûts personnels pour préférer la prière de l’Église, tout en laissant une place aux particularités (PGLH 17).
C’est pourquoi, dans la mesure où « l’âme s’accorde avec la voix » selon les mots de saint Benoît (PGLH 19), elle constitue la source et le sommet de toute vie apostolique (PGLH 18).
Conclusion
La liturgie des Heures n’a pas été instituée comme rite par le Christ. Pourtant, elle s’inscrit bien dans le mouvement pascal et eucharistique de toute sa vie de Fils de Dieu.
À cette école, les baptisés sont invités à revivre ce mouvement pascal et eucharistique qui les situe, comme enfant de Dieu, à la suite du Christ.
Prenant sa place dans le renouveau liturgique du concile Vatican II, la liturgie de Heures constitue une sorte d’école de la foi et nous éduque à nous laisser transformer au long de l’année liturgique en nous permettant de participer aux divers mystères célébrés.
Elle nous forme à la vie spirituelle. Mieux, elle est, par excellence le lieu de la vie spirituelle. La foi nous assure que Dieu est présent à ce monde, et la liturgie des Heures ouvre un espace où l’homme peut se tenir en sa présence. Elle nous apprend l’attachement sincère à tout ce qu’il y a de bon dans l’humanité et nous fait goûter cela même sur quoi porte l’effort du détachement.
Au terme de cette lecture rapide des 19 premiers numéros de la Présentation générale se dessine une grande fresque de la prière de l’Église qui prolonge celle du Christ et s’exprime particulièrement lorsque les chrétiens, rassemblés à l’invitation du Seigneur, la célèbre avec l’assurance qu’il se tient là au milieu d’eux.
F.Benoît-Marie Solaberrieta
Abbaye d’En Calcat