Autel

Le mot latin altare, qui signifie « autel », vient de la racine altus, qui veut dire « élevé ». Originellement, l’autel est le haut-lieu servant de point de jonction entre Dieu et le monde. Les montagnes et les collines sont, pour cette raison, les lieux privilégiés où l’on construit des édifices sacrés ; Dieu y descend et l’homme y monte : « Touche les montagnes et qu’elles fument » (Ps 143, 5). Quelque-fois aussi, une pierre tombée du ciel — un météorite ou un aérolithe — est au principe d’un culte local (c’est le cas de La Mecque). Bien que l’autel puisse encore désigner l’ensemble d’un lieu de culte — les Orientaux en ont gardé la coutume —, il en est venu à signifier son centre : la table où l’on offre à Dieu sa nourriture. Placer des aliments sur cette table de pierre revient à les mettre entre les mains de Dieu ; les faire fumer, c’est les diriger vers le ciel, pour que Dieu en respire l’agréable odeur (cf. Gn 8, 21). Table où les offrandes « passent » dans le domaine du sacré divin, l’autel participe à la sainteté de Dieu ; c’est pourquoi il n’est pas accessible à tous : les prêtres seuls, habituellement, peuvent s’en approcher (cf. Ex 29) avec des gestes de vénération, comme le baiser pratiqué dans la liturgie de la messe.

Table de l’holocauste, où la victime part toute en fumée vers Dieu, l’autel est aussi la table où Dieu et la communauté des fidèles se partagent les aliments, en signe de communion. La nourriture venue de Dieu lui est restituée, et la part qui revient à l’homme est pleinement reconnue comme sacrée (voir Repas). Dieu et l’homme communient à la même vie : ils sont convives. Lors de la conclusion de l’Alliance au Sinaï, une partie du sang des victimes sacrifiées est versée sur l’autel, qui représente Yahvé, et l’autre partie sur le Peuple. Grâce au sacrifice, Dieu et l’homme deviennent consanguins (cf. Ex 24).

Dans la nouvelle Alliance, le Christ est à la fois l’autel, comme Dieu, la victime et le prêtre, en tant qu’homme : « Quand il livre son corps sur la croix, chante la cinquième Préface pascale, tous les sacrifices de l’ancienne Alliance parviennent à leur achèvement; et quand il s’offre pour notre salut, il est à lui seul l’autel, le prêtre et la victime. »

Lors de la consécration de l’autel, l’onction avec le saint chrême des cinq croix (une au centre et les autres aux quatre coins), et de toute la surface de la table, fait de cette pierre le symbole du Christ, que le Père a oint de l’Esprit Saint. L’encens que l’on fait fumer sur l’autel symbolise le sacrifice du Christ, qui s’est offert à son Père en odeur de suavité (Ep 5, 2), et aussi les prières des fidèles, inspirées par le Saint-Esprit. Les nappes posées sur l’autel manifestent qu’il est la table du repas eucharistique, où Dieu et l’homme communient, non plus dans le sang de victimes animales, mais dans le sang du Verbe incarné, mort et ressuscité. L’éclat des cierges qui entourent l’autel évoque le Christ « lumière des nations » (Lc 2, 32). Sous la table d’autel, on place, dans le sépulcre qui leur est préparé, les reliques des saints : c’est manifester l’unité du sacrifice de la Tête et de celui des membres du Corps mystique.

Dans nos églises, l’autel, où se renouvelle l’unique sacrifice de la nouvelle Alliance, est le centre de convergence de tout l’édifice. Pour mieux manifester sa dignité intrinsèque, on recommande de ne pas y laisser à demeure la réserve eucharistique. En dehors même des attitudes d’adoration dues au Saint-Sacrement (génuflexion), l’autel, plus même que la croix, a droit aux gestes de vénérationdes fidèles (inclination). Le baiser de l’autel par le prêtre, au cours de la messe, est une marque de vénération et de communion. L’autel, le prêtre et l’Eucharistie sont, à différents niveaux complémentaires,les symboles du Christ.

On ne consacre un autel que s’il est fixe. Un autel mobile est béni par l’évêque ou par le prêtre responsable de l’église où il se trouve ; on n’y dépose pas de reliques des saints.

Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie © Editions CLD, tous
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