Liturgie
De l’adjectif grec lèitos : « public », dérivé de léôs (en ionien laos), et du nom commun ergon : « service », « oeuvre », « travail ».
La liturgie est donc, étymologiquement, un « service public », une œuvre faite au bénéfice du peuple. Dans les démocraties grecques, leitourgia désigne tout service rendu au bien commun par les citoyens, mais particulièrement la fonction publique dont le titulaire supportait les dépenses et qui consistait à organiser les chœurs, les jeux, à équiper les galères, etc. Quand saint Paul emploie le mot « liturge » (Rm 13, 6 ; 15, 16 ; Ph 2, 25) ou le mot « liturgie » (2 Co 9, 12 ; cf. Rm 15, 27), il l’utilise le plus souvent au sens d’office accompli au bénéfice d’une communauté. Au IIIe siècle avant Jésus Christ, la traduction grecque des Septante rend le terme hébreu ‘abodah (« service cultuel ») par leitourgia : il ne s’agit donc plus d’une œuvre dont le peuple est le bénéficiaire, mais dont il est le sujet ; la liturgie devient le « service » religieux et rituel, rendu à Dieu par la communauté rassemblée en son nom.
Il ne faut pas choisir entre ces deux lignes de signification : l’ « Œuvre de Dieu » est indissolublement l’Œuvre que Dieu accomplit en son Peuple et l’Œuvre que le Peuple fait pour son Dieu : le «service divin » est à la fois le salut opéré par Dieu en son Église et le culte rendu à Dieu par cette Église. Une conception intégrale de la liturgie inclut donc l’agir de Dieu en notre faveur et notre agir communautaire formellement dirigé vers lui. La liturgie est la rencontre de Dieu et de son Peuple pour la célébration de leur Alliance ; en cette rencontre, l’acte de Dieu est premier (ligne descendante), car c’est lui qui a l’initiative de l’Alliance et qui suscite la réponse du Peuple (ligne ascendante). Nos actes liturgiques, qui constituent le culte divin, rejoignent, grâce à la médiation du Christ, suprêmement exercée en son sacrifice sauveur, l’Œuvre sanctificatrice de Dieu qui nous fait entrer dans son Alliance.
Ainsi peut-on comprendre la définition donnée par le deuxième concile du Vatican :
« La liturgie est considérée à juste titre comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme (ligne descendante) est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux (sacrements et sacramentaux), et dans lequel le culte public intégral (ligne ascendante) est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et ses membres » (Constitution sur la sainte Liturgie, n° 7 ; les mots entre parenthèses sont ajoutés au texte).
Les deux « lignes » qui intègrent la liturgie et réalisent, grâce au Christ, la synergie de Dieu et de son Peuple, se résolvent dans le flux et le reflux de la vie trinitaire : don du Père au Fils, élan du Fils vers le Père, dans le dynamisme de l’Esprit. La liturgie du ciel emporte les élus dans « le Fleuve de Vie qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau » (Ap 22, 1).
La liturgie céleste est la vie éternelle au sein de la Trinité : elle a donc valeur de fin dernière. L’Apocalypse, en effet, nous présente la vie dans l’au-delà comme une immense et grandiose liturgie. Ici-bas, la liturgie n’est pas une fin, à proprement parler : on ne peut pas, maintenant, s’établir à demeure dans l’activité liturgique — contre tout « liturgisme » —, trop dense pour notre faiblesse. La liturgie ne remplit pas toute l’activité de l’Église (Ibid., n° 9), mais elle en est la source et le sommet (Ibid, n° 10). Toute l’existence chrétienne a une portée liturgique : née dans une liturgie, elle ne cesse de venir d’une liturgie pour aller à une liturgie, mais elle est encore trop infirme pour n’être que liturgie.
Voir Contemplation, Prière, Vie, Œuvre de Dieu, Office, Service, Médiation, Esprit Saint, Sacrement, Sacramental, Heures, Religion, Signe, Symbole, Paraliturgie, Laïc, Culte.
Dom Robert Le Gall – Dictionnaire de Liturgie © Editions CLD, tous droits réservés