Charte des organistes

Guides Célébrer

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Trente cinq ans après le Concile, les évêques de France veulent reconnaître le travail des organistes et préciser avec eux leur mission.

On estimera hautement, dans l’Eglise latine, l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Eglise et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel. Quand aux autres instruments, selon le jugement et le consentement de l’autorité territoriale compétente, … il est permis de les admettre dans le culte divin selon qu’ils sont ou peuvent devenir adaptés à un usage sacré, qu’ils s’accordent à la dignité du temple et qu’ils favorisent véritablement l’édification des fidèles.

– Constitution conciliaire sur la sainte liturgie, Paragraphe 120

1. L’art musical et la liturgie

Dans le dialogue permanent entre Dieu et les hommes, dont la liturgie est le lieu, l’homme répond de manière active et, entre autres, par l’expression musicale et le chant. En effet, la musique et le chant permettent d’atteindre un langage sacré et les paroles rituelles ne trouvent leur forme parfaite que dans l’art musical. D’autres arts, architecture, statuaire, peinture, vitraux, posent dans l’espace leur présence statique. Mais dans le plus modeste des édifices, la musique sacrée escorte et conforte l’action liturgique tout au long de son déroulement.

Donc le musicien d’Eglise est chargé de favoriser la rencontre du peuple rassemblé avec Dieu. Il ne fait pas qu’apporter une décoration, il ne sacrifie pas le service de la liturgie à sa propre expression mais permet au chant sacré de trouver sa plénitude. C’est dire la haute responsabilité du musicien d’Eglise qui exerce une véritable « fonction ministérielle dans le service divin ». Il est, à sa façon, serviteur du culte divin puisque « la musique sacrée a, en effet, pour but premier, que Dieu soit glorifié, et les hommes sanctifiés » (Rituel de bénédiction d’un orgue, n° 1057).

2. L’orgue et la liturgie

Depuis le Moyen Age, l’orgue est devenu un instrument caractéristique de la prière en Occident, plus que n’importe quel autre instrument. De nombreuses formes musicales qui lui sont propres ont trouvé leur source dans l’action liturgique, et, des prédécesseurs de Bach jusqu’à nos jours, de nombreux organistes ont découvert le rôle de l’orgue dans leur intuition religieuse ou dans leur vie de croyants.

Souvent encore, les organistes ont été des compositeurs prolifiques de motets, cantates, musique et chants religieux ; comme interprètes et chefs de chœur, ils ont fait monter la louange des hommes vers Dieu.

La multiplicité des sons de l’orgue et son aptitude à les mélanger font de lui un instrument dont le caractère communautaire est évident : il est le symbole vivant de l’unité dans la diversité et appelle toute communauté chrétienne à le devenir.

Au-delà de son aspect spécifiquement utilitaire, il permet à une culture locale de trouver sa place dans le culte rendu à Dieu. Né de la main des facteurs d’Allemagne ou d’Espagne, de France ou d’Italie …, il témoigne de la prise en compte par la liturgie de l’Eglise d’un grand nombre de cultures.

Enfin, nombre d’églises ne sont pas dotées d’orgues à tuyaux ; mais les personnes qui sont obligées de jouer sur d’autres instruments à clavier sont héritières de cette longue tradition.

3. L’organiste et la liturgie

La fonction d’organiste est un service que la Présentation Générale du Missel Romain rappelle au n°103 :

« Parmi les fidèles, la schola ou chorale exerce sa fonction liturgique propre ; il lui appartient d’assurer les parties qui lui reviennent en les exécutant comme il se doit, selon les divers genres de chant, et de favoriser la participation active des fidèles par le chant. Ce qui est dit ici de la chorale vaut, toutes proportions gardées, pour les autres musiciens, mais surtout pour l’organiste. »

Au service de l’action liturgique et de la prière du peuple, l’organiste n’est pas seul : il est un des acteurs de la célébration et ne peut concevoir son rôle qu’en concertation avec les autres acteurs.

Serviteur de la liturgie, l’organiste, comme d’autres musiciens, y a sa place, toute sa place. Même modeste ou peu expérimenté, il donne vie, bien mieux que toute musique enregistrée, à l’action liturgique dont il perçoit ou prévoit le déroulement. On préférera toujours la présence d’un organiste à l’utilisation de musique enregistrée.

L’organiste a un triple rôle :

  • Il est l’accompagnateur du chant de l’assemblée dont il doit être l’animateur efficace. Il sait utiliser les plans sonores de l’instrument pour accompagner comme il convient solistes, chœur et assemblée. Il aide à distinguer les différents rites ou moments de la célébration et évite une uniformité qui n’a pas sa place dans la liturgie. Il soutient le chant, fait respecter les rythmes en utilisant une registration appropriée.
  • A ce rôle d’accompagnateur, il ajoute celui d’interprète des œuvres du répertoire pour orgue ; il sait l’adapter aux temps liturgiques et favorise ainsi l’éducation du peuple chrétien à la richesse variée de l’année liturgique. Par la musique, il annonce et célèbre le mystère du salut.
  • Grâce à l’improvisation ou par des moyens simples, il donne à la liturgie une dimension poétique nécessaire à son épanouissement. Il sait introduire le chant par un prélude, le prolonger par un postlude, lui donner de la respiration par des interludes. Entrant dans l’action liturgique, il commente la Parole de Dieu, conduit au silence, à la louange, à la méditation.

Serviteur d’une communauté, et pour parvenir à des célébrations de meilleure qualité, l’organiste agit, comme les autres intervenants, en concertation :

  • Avec le président (prêtre, diacre) symbole du Christ-tête., pour le bon déroulement de la célébration, notamment si l’organiste doit intervenir de façon spécifique.
  • Avec le chef de chœur : avec lui, il voit la programmation et décide des mises en œuvre.
  • Avec le groupe de chant ; il le rencontre aux répétitions. Il le fait ainsi bénéficier de ses connaissances musicales, l’aidant à mieux chanter.
  • Avec l’animateur du chant de l’assemblée : il le rencontre avant chaque célébration pour préparer ses interventions.
  • Avec l’équipe liturgique : il participe à ses réunions pour le choix du répertoire ; il reçoit d’elle, plusieurs jours à l’avance, le schéma de la célébration qu’il doit accompagner. Recevoir un programme quelques minutes à l’avance empêche l’organiste de saisir l’esprit ou le climat d’une célébration, et donc de la servir au mieux.
  • Avec les paroisses voisines où il peut être appelé à remplacer un collègue.

L’organiste ne joue pas seulement aux célébrations eucharistiques. Il a un rôle propre à tenir aux mariages, aux enterrements, aux baptêmes, lors de veillées de prière, de célébrations pénitentielles, etc. Le climat spécifique de chaque célébration dépend de la manière dont il s’y investit, et de son savoir-faire. Dans le cas des mariages et funérailles, il sait accueillir les familles pour l’élaboration du programme musical.

Enfin, il peut pleinement jouer son rôle au sein de son secteur pastoral. Même si ses compétences sont modestes, il peut être acteur pastoral et, à ce titre, il peut collaborer avec tous les autres chrétiens engagés dans la pastorale liturgique et sacramentelle : équipes liturgiques, chorales, animateurs du chant, catéchistes, équipe de préparation au mariage, équipe d’accompagnement des funérailles, etc.

4. L’organiste hors liturgie

Par délégation de l’affectataire, l’organiste titulaire est responsable, de l’instrument qui lui est confié. En concertation avec l’affectataire, lui-même responsable de l’instrument à l’égard de l’autorité propriétaire, il fait en sorte que l’entretien et l’accord de l’orgue soient assurés. Il tient un cahier d’entretien, destiné au facteur d’orgue, sur lequel il signale tout dommage et toute anomalie de fonctionnement.

Il est, en outre, responsable de son utilisation par des organistes adjoints ou visiteurs. Toute demande d’activité autour de l’orgue ne peut se faire qu’en collaboration entre l’affectataire et l’organiste.

Enfin, il contribue au rayonnement de l’orgue par des créations de classes d’orgue, dans le cadre des écoles de musique ou de structures pédagogiques, par des visites commentées de l’instrument, par des auditions d’élèves, et enfin, par des préparations de programmes liturgiques spécifiques (Noël, Pâques, etc.)

L’affectataire est membre de droit des associations se rapportant à l’orgue de son église, telles que « Les amis de l’orgue », quand elles existent.

5. Le recrutement

Les fonctions liturgiques et extra-liturgiques de l’organiste étant définies, son recrutement doit s’effectuer sur des critères précis qui tiennent compte et des besoins effectifs de la paroisse et des possibilités tant humaines que financières d’un tel projet.

C’est l’affectataire qui nomme l’organiste (ou les organistes) au vu de ses (leurs) compétences musicales et liturgiques et en concertation avec des conseillers musicaux et des membres des services diocésains.

En outre, dans le cas de tribunes importantes dont la liste établie entre les différents partenaires de la présente charte est citée en annexe 2, il effectue cette nomination soit par concours, soit au vu des compétences déjà reconnues. Les procédures sont déjà définies dans certains diocèses. Il serait bon de les harmoniser dans l’ensemble des diocèses.

En annexe, on trouvera une proposition de procédure de nomination.

6. Formation de l’organiste

Pour mener à bien l’ensemble des responsabilités et des activités qui en découlent, il faut à tout organiste :

  • une formation technique musicale sanctionnée par un diplôme ;
  • une formation liturgique (auprès des services diocésains) ;
  • une formation pastorale (auprès des services diocésains).

Ces formations initiales doivent être régulièrement entretenues par des actions de formation.

De nombreuses paroisses, disposant d’instruments modestes, sont heureuses de bénéficier du concours d’un organiste. Si ses compétences sont inférieures à ce qu’on pourrait souhaiter, la communauté paroissiale se fait un devoir de participer au financement d’un complément de formation, en musique comme en liturgie, pas seulement par solidarité, mais par nécessité d’assurer l’avenir. Ainsi, elle montre sa reconnaissance pour les services rendus. La formation d’un organiste s’inscrit dans la durée comme toute formation permanente.

Il faut aussi envisager de telles actions de formation avec une perspective de service d’Eglise, particulièrement pour les jeunes. En effet, beaucoup trop de paroisses hésitent à investir dans la formation d’un jeune qui risque ensuite de partir s’installer ailleurs. Il faut penser qu’une formation acquise servira ailleurs ; il faut donc dépasser les réalités locales.

Chaque organiste se souvient qu’il a acquis un savoir-faire en servant la liturgie. Il veille donc à le transmettre à tout organiste débutant.

Par delà la formation et la transmission et dans le contexte du regroupement de paroisses où des missions sont confiées à des laïcs en coresponsabilité avec les prêtres, on peut envisager qu’un organiste, ayant acquis des formations musicales, liturgiques et pastorales, soit appelé à tenir un rôle d’agent pastoral, chargé des questions musicales dans un secteur (animation, formation de jeunes, répertoire, écriture …).

7. La rémunération de l’organiste1

Il y a lieu de distinguer, au vu notamment de la législation fiscale et sociale :

  • l’organiste bénévole qui ne reçoit aucune rémunération, mais qui peut éventuellement bénéficier de remboursements de frais sur justificatifs (en veillant à ce que ces remboursements ne puissent être qualifiés en rémunération déguisée).
  • l’organiste salarié lié à l’affectataire par un contrat de travail et qui reçoit une rémunération sous forme de fixe ou de cachets (ou les deux). Dans le cas des tribunes importantes citées en annexe (cf. article 5), les organistes titulaires seront en principe titulaires d’un contrat de travail.

En ce qui concerne les « intermittents du spectacle », ceux-ci sont employés et rémunérés de façon occasionnelle et irrégulière et soumis à un régime particulier d’obligations sociales.

D’autre part, un organiste peut recevoir une lettre de mission, si son activité comporte un caractère pastoral plus affirmé, mais il reste soit bénévole, soit salarié.

Il n’est pas possible d’admettre un organiste ayant le statut de « travailleur indépendant » et qui recevrait des honoraires pour ses prestations, car ce serait incompatible avec le droit canon : en effet, l’organiste n’agit pas selon sa propre initiative dans la liturgie ; il reste soumis à l’autorité de celui (prêtre ou diacre) qui préside la célébration et qui est responsable de son bon déroulement ; de ce fait, il ne bénéficie pas de l’indépendance qui caractérise une profession libérale.

8. Les devoirs de l’organiste

Bénévole ou salarié, l’organiste se doit d’être présent aux célébrations habituelles. En cas d’absence il prévoit un remplaçant agréé par l’affectataire.

Comme tout agent pastoral et tout salarié, il a un devoir de réserve.

Il ne sera pas le seul détenteur de la clé, le curé affectataire en possédant toujours une. Les organistes visiteurs s’adresseront à l’organiste titulaire pour définir les conditions de leur visite et l’accès à la clé.

9. Restauration ou construction d’orgues

L’orgue peut être propriété soit de l’Etat (orgues de cathédrale), soit de la commune, soit de l’association diocésaine. Dans tous les cas, l’organiste doit veiller personnellement à l’entretien de l’instrument (cf. paragraphe 4).

Dans le cas d’une restauration ou d’une construction d’orgue, il doit s’impliquer personnellement dans le projet. Avec l’affectataire, il prend contact avec le propriétaire et les autorités compétentes pour la mise en œuvre des travaux.Il est important que l’affectataire et l’organiste – conseillés par la commission diocésaine – s’impliquent dans le suivi des dossiers et gardent la maîtrise des options prises, même si le choix du facteur est limité par la nécessité de faire des appels d’offres. En effet, ce sont l’affectataire et l’organiste qui doivent utiliser l’instrument dont la destination première doit rester liturgique.

La présence d’un orgue est un atout pastoral. C’est pourquoi une participation même modeste de l’affectataire lui donnera du poids au moment de la prise de décision.

 

Cette charte a été signée le 28 novembre 2000 par Mgr Albert-Marie de Monléon, président de la Commission épiscopale de liturgie et pastorale sacramentelle (CELPS) ;

M. Arsène Bedois, président du syndict des organistes et musiciens des cultes ;

Mme Suzy Schwenkedel, présidente de l’Association nationale de formation des organistes liturgiques (ANFOL).

 

  1. Voir Statut des personnels laïcs de l’Église de France, artistes musiciens des culte

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